Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/30

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Les moyens indiqués dans le mémoire de M. Lottinger, consistent, 1o. à troubler ces insectes dans le temps qu’ils se disposent à s’accoupler & à faire leur ponte, en criblant ou remuant le blé pour les forcer à s’en éloigner ; 2o. à les exterminer & les faire mourir par l’eau bouillante qu’on verse sur eux. Le premier moyen est le même que celui de M. Le Fuel, dont nous venons de rendre compte. Voici quels sont les procédés du second.

Lorsqu’on s’apperçoit, au retour du printemps, que les charançons sont répandus dans les monceaux de blé qui ont passé l’hiver dans les greniers, il faut, dit M. Lotinger, en former un petit tas de cinq ou six mesures, qu’on place à une distance convenable du tas principal : on remue alors avec la pelle le blé du principal monceau où ces insectes se sont établis : les charançons qui aiment singulièrement la tranquillité, étant troublés par ce mouvement dans leur asyle, cherchent à fuir pour s’échapper du danger qui les menace. Voyant un autre tas de blé à côté de celui d’où on les force de s’éloigner, ils courent s’y réfugier, espérant qu’on ne les inquiétera point dans cette retraite. Il est rare qu’ils cherchent les murs pour se sauver, quand ils voient un monceau de blé à leur portée, qui leur offre un asyle où ils peuvent se retirer. Cependant, s’il y en a qui cherchent à gagner les murs pour échapper à la mort qui les attend, les personnes qui veillent à leur fuite ont soin de les rassembler avec un balai qu’elles doivent avoir à la main, vers le tas où les autres se retirent, ou de les écraser avec le pied : cela est d’autant plus facile, que cet insecte ne bouge plus ; il contrefait le mort dès qu’on le touche. On peut donc le conduire où l’on veut avec le balai, sans craindre qu’il cherche à fuir ; il ne se réveille de son état de mort apparent, pour se sauver, que quand on ne l’inquiéte plus, & qu’il s’apperçoit qu’on ne songe plus à lui. Si on l’a ramené près du petit monceau de blé mis en réserve, il cherchera tout de suite à y entrer & à s’y enfoncer, dès qu’on ne l’inquiétera plus avec le balai.

Lorsqu’on a rassemblé tous les charançons dans ce tas de blé qu’on a formé à côté du monceau principal, on apporte de l’eau bouillante dans un chaudron, on la verse sur le blé qu’on remue en même-temps avec une pelle, afin que l’eau pénètre par-tout avant de se refroidir : tous ces insectes meurent brûlés & étouffés dans le moment. On étend ensuite le blé pour qu’il puisse sécher ; après quoi il est facile, en le criblant, d’en séparer les charançons morts. Il faut observer qu’il est essentiel de faire cette opération au commencement du printemps, afin de prévenir la ponte de ces insectes : si on la faisoit trop tard, ce moyen seroit infructueux, parce que les œufs déposés & collés aux grains, dont ils ne se séparent point quoiqu’on l’agite avec violence, donneroient une génération de charançons, qui détruiroit tout le blé qu’on veut conserver. La génération qui existe n’est dangereuse qu’en donnant naissance à celle qui lui succède : c’est donc celle-là qu’il faut prévenir, en détruisant celle qui lui donneroit l’existence.

Ce procédé de M. Lottinger, aussi