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dant des années entières, mais on sent qu’alors l’excellence du mortier seroit trop achetée par la dépense & la sujétion du rebattage ; il peut cependant y avoir des cas où cette dépense est encore préférable à la perte d’un tas de cendrée dont la préparation a déjà coûté beaucoup de frais. Il faut en pareille circonstance la déposer dans un souterrein ou dans un endroit inaccessible aux rayons du soleil & à la chaleur : l’humidité qui y règne, s’insinue à travers les pores du mortier, l’entretient dans son état de pâte molle, qu’il conserve une fois plus longtemps que s’il étoit dans un lieu sec ; on est par conséquent obligé de rebattre la cendrée moitié moins souvent, ce qui diminue les frais dans la même proportion.

L’excès du froid & du chaud est également nuisible ; on remédie aux grandes chaleurs en recouvrant l’ouvrage d’une couche de terre glaise, de paillassons, de planches, &c. & en opposant aux rayons du soleil une épaisseur qu’ils ne puissent pénétrer. Il y a moins de remède pour la gelée qui détache la cendrée lorsqu’elle la saisit avant qu’elle ait pu sécher ; une saison tempérée, ou même humide, est celle qui convient le mieux : si la cendrée a le temps de sécher sans être atteinte de la gelée ou d’une chaleur excessive, elle devient inaltérable à l’une comme à l’autre, & le temps qui détruit tout, ne fait qu’augmenter sa solidité, en sorte qu’il est beaucoup plus aisé de pulvériser les pierres & les briques, que de la pulvériser elle-même.

La cendrée pourroit être consacrée à tous les usages auxquels on emploie les mortiers de sable & de chaux, mais surtout à la maçonnerie destinée à conserver l’eau, ou à empêcher qu’elle ne filtre de dehors en dedans. Quelques minutes après qu’elle a été appliquée, elle a la propriété merveilleuse de faire corps avec la pierre ; après quoi il n’y a nul inconvénient de lâcher l’eau contre l’ouvrage, pourvu qu’elle dorme comme dans un bassin.

Une muraille ainsi construite durera plusieurs siècles au milieu d’une rivière, sans qu’il soit à craindre que sa violence, quelque grande qu’elle soit, la fasse écrouler ni endommager, voilà pour la solidité ; mais pour empêcher que l’eau ne filtre, il faut bâtir ainsi qu’on va le dire.

Les briques doivent avoir huit pouces de longueur, quatre pouces de largeur, deux pouces d’épaisseur. Le plan d’une brique est sa surface considérée sur sa longueur & sur sa largeur ; le champ est la surface d’une brique considérée sur son épaisseur.

On pose une brique sur son plan, en sorte qu’elle présente en dehors, non pas le bout, mais le côté sur toute sa longueur : cette brique ainsi posée, commence à donner quatre pouces d’épaisseur à la muraille.

On plâtre, c’est-à-dire, qu’on applique sur le champ de la brique, une couche de cendrée de six lignes d’épaisseur, la brique étant sur son plan ; il est évident que cette couche doit avoir une situation horizontale.

Derrière cette première brique on en pose une seconde sur son champ, qui fait une épaisseur de deux pouces, & qui en donne par conséquent moitié moins à la muraille, que la brique posée sur son plan.