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Le trou destiné à les recevoir est une fosse de deux pieds de largeur, sur un de profondeur, rempli de fumier & de terreau, & dans chaque fosse on place deux plantes. S’il existe des courtillières, (voyez ce mot) ou taupes-grillons ; attirées par la chaleur de ce fumier, elles y accourront en foule, & les racines seront bientôt dévorées. C’est pourquoi la prudence exige de réserver plusieurs plants sur les couches, afin de remplacer ceux qui manquent.

Aussitôt que le plant est à demeure, il est indispensable de lui donner une forte mouillure, & de le garantir de l’ardeur du soleil avec de la paille, des feuilles sèches, &c. jusqu’à ce qu’il ait complètement repris. Dès que le soleil est couché, on enlève ces parasols, afin que la plante profite de la fraîcheur & de l’humidité de la nuit ; & au soleil levant, on les recouvre de nouveau pendant autant de temps qu’exige la reprise de la plante. L’action du soleil est très-vive sur ces plantes, en raison de l’aquosité des jeunes pousses.

Dans les provinces du midi, on sème en février, non sur des couches, ou sous des cloches qui y sont inconnues, mais sur les monceaux de fumier destinés au jardinage. De la paille, ou des feuilles sèches garantissent les jeunes plants au besoin. Ceux qui n’ont pas de pareils fumiers à leur disposition, sèment en pleine terre, vers le milieu du mois de mars, & au plus tard au commencement d’avril. Ces plantes ne sauroient prospérer sans la chaleur & sans beaucoup d’humidité, surtout quand leurs bras se sont alongés. On y pratique des fosses comme à Paris, & la terre qu’on en retire reste sur les bords, afin de chauffer les plants lorsque le besoin l’exige. Si le nombre des pieds est trop considérable dans ces fosses, on les éclaircit pour les replanter ailleurs ; les premiers réussiront mieux que les seconds, parce qu’ils n’éprouveront point un transport qui, tant bien fait qu’il soit, suspend & dérange toujours un peu le cours de la végétation.

Lorsque les bras se sont étendus à une toise ou une toise & demie, ici commence le travail du jardinier ; aussitôt que le fruit est arrêté, il pince la traînasse un peu au-dessus du fruit, c’est-à-dire, à trois feuilles au-dessus. De l’aisselle de ces feuilles, il sort de nouveaux bras & de nouvelles fleurs, qu’on recouvre de terre de distance en distance, si on les laisse subsister. Cette coutume a lieu également dans beaucoup d’endroits des provinces méridionales. On la regarde comme indispensable, parce que, dit-on, les fleurs & les fruits qui naîtront dans la suite, feront couler le premier fruit noué. Voilà une assertion bien tranchante, & qui a force de loi parmi les jardiniers. Pour moi, qui ai toujours pensé que la nature ne faisoit rien en vain, & que presque toutes nos pratiques tendoient à contrarier sa marche, j’ai essayé de livrer à eux-mêmes des citrouilles, des courges, des concombres, des melons, & tous m’ont donné beaucoup de fruit. Je le demande ; si on pinçoit ainsi les pastèques, les melons d’eau, la grosse citrouille, la courge longue, &c. quel bénéfice retireroit-on, surtout des deux premiers, dont les fleurs femelles, ou à fruit, sont toujours placées presqu’à l’extrémité des branches ? Un jardinier des environs