Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/396

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de Paris, ne croira jamais qu’il existe dans le royaume, beaucoup de provinces dans lesquelles on ne pince ni les courges ni les melons, &c. qu’il y existe des champs entiers couverts de l’un & de l’autre, & semés en pleine terre, dans des fosses, il est vrai, de dix-huit pouces de diamètre, sur un pied de profondeur, remplies de fumier très-consommé, & presque réduit à l’état de terreau. Cependant, dans ces provinces, on y mange des courges, des melons délicieux.

Le premier but des jardiniers de Paris a été, sans doute, de rassembler une plus grande masse de fruit dans un moindre espace, & c’est beaucoup ; mais comme dans les campagnes on sème les courges, les melons, &c. pour la nourriture des bestiaux autant pendant la fin de l’automne, que pendant l’hiver, je ne conseille, en aucune manière, de pincer, mais, au contraire, de laisser la plante ramper autant qu’elle voudra. La vérité exige de dire que les premières fleurs femelles, même nouées, avortent quelquefois ; mais je n’attribue point cet effet au desséchement causé par l’alongement des bras qui sont supposés l’affamer, mais plutôt aux matinées & nuits froides du mois d’avril, qui agissent sur un fruit encore aqueux à l’excès. Si la chaleur est bien décidée, la fleur n’avortera pas ; & comme toute plante se nourrit autant par ses feuilles que par ses racines, la nature fait pousser des fruits par-tout où elle peut les conduire à leur maturité ; elle ne celle de produire des fleurs à fruit, que lorsque la chaleur de l’atmosphère diminue : à cette époque, les dernières fleurs, & les derniers fruits avortent, & tous les pincemens imaginables n’assureront pas leur durée.

On peut cependant justifier le pincement des jardiniers des environs de Paris, à cause de la chaleur modérée de ce climat, dont le terme moyen, pendant l’été, est de dix-huit degrés, & parce que ces plantes exigent beaucoup de chaleur pour nouer ou aoûter (voyez ce mot) les fleurs femelles qui épanouissent après les premières.

Lorsque j’ai dit qu’on devoit livrer à elles-mêmes les plantes cucurbitacées, dans les provinces ou le terme moyen de la chaleur d’été étoit de vingt, vingt-deux à vingt-quatre degrés, je n’ai pas entendu conseiller de n’en prendre aucun soin. Au contraire, à mesure que les bras s’étendent, à mesure que les fleurs femelles nouent, on doit, tout auprès & au-dessous de la fleur, creuser la terre en détournant les bras, la bien émietter, la mêler avec du fumier consommé, ensuite enterrer le bras à quatre ou cinq pouces de profondeur, & le recouvrir avec la terre tirée de la petite fosse. Si on peut arroser sur le champ, ce ne sera que mieux. Ces moyens peu dispendieux, assurent une forte végétation ; & si on les répète de toise en toise, on est assuré d’avoir des fruits de la plus belle venue. Les cultivateurs moins zélés, ou plus pressés par l’ouvrage, se contentent de jeter quelques pellées de terre sur les nœuds qui portent les fleurs mâles.

Il convient de sarcler souvent ; d’arroser de temps en temps, lorsqu’on le peut, surtout lorsque la plante est dans la grande vigueur de