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sont malades. Cette méthode, nous l’avouons, peut être bonne pour la Suède, pays froid, où la transpiration est peu abondante, les plantes plus aqueuses, & le sang très-séreux ; mais elle n’auroit aucun succès en France, & spécialement en Provence & en Languedoc, où les alimens sont plus secs, & où ils portent par conséquent moins d’humidité dans le sang.

Le traitement, qui convient donc dans le pays que nous habitons, & dont nous avons retiré les plus grands succès, consiste dans la méthode suivante.

i°. Dans le temps de l’invasion, outre les précautions ci-dessus indiquées, & relatives à la propreté des bergeries, & aux parfums, on donnera un breuvage le matin, & un autre le soir, composé de la manière qui suit :

Prenez orvales des prés, racines de persil, & graines de lentille, deux poignées de chaque : faites bouillir un quart d’heure dans environ quatre pintes d’eau commune ; retirez du feu, laissez infuser deux heures, coulez ; ajoutez à la colature, camphre dissous dans un jaune d’œuf, un gros ; vinaigre de vin, un verre à liqueur ; miel, quatre onces : mêlez & donnez tiède pour un breuvage, à la dose d’un grand verre pour les forts moutons, d’un petit pour les brebis, & d’un demi pour les agneaux.

2°. La nourriture sera ménagée ; il ne faut pas que les moutons aillent aux champs. On ne donnera qu’un peu de bon foin, bien récolté, à ceux chez lesquels la rumination s’exécutera, & dont les symptômes maladifs seront de peu de conséquence ; car, pour peu qu’ils soient tristes, dégoûtés, foibles & abattus, il vaut beaucoup mieux supprimer toute nourriture solide, & leur donner un breuvage de plus sur le midi.

3°. Dans le temps de l’éruption, il s’agit d’aider les forces de la nature, & de pousser par conséquent le virus variolique du centre à la circonférence. Le breuvage précédent conviendra dans le cas où l’éruption se fera avec force & énergie ; mais, dans celui où elle ne se fera que difficilement, on ajoutera, sur la totalité des breuvages précédens, une once de sel ammoniac, & le camphre sera dissous dans deux onces d’esprit de vin, au-lieu de jaune d’œuf. C’est précisément à cette époque que les cultivateurs, pour chercher à précipiter l’éruption, administrent de forts cordiaux, sous le prétexte d’échauffer les malades, & de pousser fortement vers la peau la matière variolique. L’expérience doit les convaincre qu’une pareille méthode ne peut qu’être meurtrière.

4°. La diète fera des plus sévères ; & dans l’intervalle des deux breuvages prescrits, l’un le matin, l’autre le soir, on donnera un bon verre d’une infusion d’une once de baies de genièvre, & d’une demi-once de quinquina, dans une pinte de vin.

5°. Si l’éruption est accompagnée de flux par les naseaux, il faudra injecter souvent, dans ces parties, une décoction d’orge & de ronces, sur une pinte de laquelle on aura fait dissoudre une once de miel commun.

Le troisième temps de la maladie, c’est-à-dire, la suppuration, sera traité de même, en observant cependant, que si elle est accompagnée de malignité, si les boutons, au-lieu de s’élever & de blanchir, s’affaissent, s’aplatissent, & deviennent violets,