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vers & toutes les mauvaises herbes. Si l’on emploie cette suie pour les terres à blé, il faut attendre le mois de Février ou au moins le retour de la belle saison, pour que les pluies & les neiges ne la dissolvent pas trop vite : il ne faut pas non-plus différer trop tard, parce qu’il seroit à craindre que la sécheresse ne la desséchant trop, l’empêchât d’être dissoute, & de pénétrer ainsi la terre. (V. au mot Engrais, l’usage que l’on peut faire de la houille & de ses cendres.)

Dans la Maçonnerie. Le charbon de terre brut, ou en cendres, peut entrer dans la composition du ciment & des mortiers. Pour les bassins & les canaux où l’on veut retenir l’eau, on prépare un mortier que l’on fait en prenant une partie de briques pilées & passés au sas, deux parties de sable fin de rivière, de la chaux vieille éteinte, en quantité suffisante, & passé à la claie ; le tout étant bien broyé, on y ajoute de la poudre de charbon de terre & de la poudre de charbon de bois ; comme ces deux dernières substances s’imbibent facilement de l’eau du mélange, il faut l’employer sur le champ, de peur que le ciment ne sèche trop vite. En Suède, on emploie le charbon de terre dans le crépissage des caves voûtées. La cendrée de Tournay, qui n’est qu’un mélange de cendres de charbon de terre qui a servi à cuire de la chaux, & de petits morceaux de cette même chaux, qui ont tombé au fond du four avec la cendre, fait d’excellent mortier & ciment, propres pour tous les ouvrages dans l’eau. Ce ciment & ce mortier sont très-longs à faire ; la patience & le travail en viennent à bout : combien n’est-on pas récompensé de ses peines par la durée & la solidité des ouvrages que l’on a construits. Voici un procédé simple pour le faire. Mettez dans le fond d’un bassin pavé de pierres plates & unies, de la cendrée de Tournay, que l’on peut mêler avec un sixième de tuileau pilé ; faites couler sur cette cendrée de la chaux éteinte dans une suffisante quantité d’eau ; battez le tout ensemble pendant dix à douze jours consécutifs, & à différentes reprises, avec une demoiselle ou cylindre de bois ferré par dessous, du poids d’environ trente livres, jusqu’à ce qu’il fasse une pâte bien grosse ou bien fine. On peut employer ce mortier sur le champ, ou le conserver pendant plusieurs mois de suite, sans qu’il perde sa qualité, pourvu que l’on ait soin de le couvrir & de le mettre à l’abri du soleil & de la pluie. La cendre de charbon de terre fait, dans ce mortier, le même effet que la pouzzolane.

M. Belidor, dans son Architecture hydraulique (t. 4, p. 186), dit qu’un mélange de douze parties de cendrée de Tournay, ou simplement de mâchefer contre une de chaux, a formé un ciment si bon, qu’après deux mois de séjour dans la mer, la mâçonnerie qui en étoit liée, composoit un corps si dur, qu’on trouva plus de difficultés à séparer ses parties, que celles d’un bloc de la meilleure pierre. À Toulon, on a fait entrer, avec le plus grand succès, du mâchefer concassé dans un béton qui est devenu de la plus grande solidité.

Dans les Arts. Dans la principauté de Nassau, à Sultzbach, on se sert de la suie de charbon de terre en place du noir d’ivoire, dans la composition de l’encre d’Imprimerie. On en extrait une huile, un cam-