Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/470

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prédécesseurs qui en ont fait la concession : il est donc juste qu’il conserve ce tiers, & même qu’il ait le choix ; mais, comme les autres habitans sont représentés par chaque chef de famille, le partage doit être égal. On pourroit encore le faire par habitant, mais celui-ci multiplieroit les difficultés. Le dénombrement des chefs de famille une fois établi, il s’agiroit de connoître exactement l’étendue des communes, & l’arpentement la décideroit. Des estimateurs seroient choisis entre le nombre des habitans, afin de distribuer cette masse en lots de valeur à peu près égale, non pour le nombre des arpens, mais pour la valeur de chacun. Je suis convaincu que ce partage & cette estimation seroient bien faits, puisque les estimateurs eux-mêmes courroient les risques d’être la victime, ou de leur mauvaise foi, ou de leur ignorance. Enfin, chaque portion de terrein, désigné & marqué par des limites, seroit adjugée par la loi du sort, en présence du seigneur du lieu, & d’un commissaire nommé par l’intendant, ou de l’intendant lui-même, ce qui vaudroit encore mieux, & empêcheroit l’effet des protections sourdes & toujours abusives, des sous-œuvres.

Les grands propriétaires seront les premiers à s’opposer à cette distribution. Le terrible moi, l’égoïsme affreux va crier à l’injustice, à la tyrannie : celui-là contemple d’un œil sec la misère de ses semblables, & se persuade que tout lui appartient, parce qu’il est riche. Je vois ici la masse ; l’individu n’est rien ; & tout administrateur raisonnable préférera, je l’espère, la masse, & protégera le foible contre le fort, dans une distribution à laquelle le pauvre a le même droit que l’homme puissant.

Ce partage ne va ni contre l’ordre général de la société, ni contre l’intérêt d’aucune communauté ; au contraire, tous deux y gagnent. Lorsque le seigneur du terrein en fit la concession, on ne peut douter qu’il n’eût plus en vue l’avantage des pauvres, que des riches : cela est si vrai, que, par-tout, les communes sont appelées le patrimoine des pauvres. L’opération du partage se conforme donc, d’une manière plus certaine, à l’intention du fondateur, puisqu’elle abolit l’indigence & la pauvreté dans sa paroisse. L’état y trouve le même avantage, en multipliant le nombre des contribuables ; & les 33231 arpens & une perche du Soissonnois, qui ne peuvent payer 1 s. 6 d. par arpent, paieront, avant un petit nombre d’années, au moins 2400 liv. L’expérience a prouvé qu’un terrein dégradé par cent ans d’abandon, se rétablit en trois ou quatre ans de culture. Ces parties, mises en culture, seroient dans le cas énoncé par l’édit de Louis XV, sur les défrichemens, dont un des articles prescrit que pour dix ans, les productions sont exemptes de dîmes, &c. (Voyez le mot Défrichement)

Les distributions dont il est ici question, ne sont pas une nouveauté : presque tous nos souverains, depuis l’immortel Henri IV, les ont favorisées, soit par des déclarations, soit par des édits, &c. & je pourrois citer un nombre assez considérable de paroisses dans ce royaume, dont les habitans ont l’assez bien connu leurs intérêts, pour les demander. Enfin, le partage des communes est la suite nécessaire des principes établis par