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du lobe qui l’a formée ; ensuite cette feuille prend différentes teintes successives de couleur jusqu’à sa mort. Au sortir de terre, elle a la couleur blanchâtre du lobe ; ce blanc passe au jaune & du jaune au vert ; à ce point elle se passe à une couleur brune jaunâtre, qui dégénère bientôt en celle de feuille morte, caractère extérieur de son entier dépérissement. Enfin, une feuille séminale croît en longueur, en largeur, mais jamais en épaisseur. Au contraire, elle devient mince de plus en plus. Cette dégradation est due à l’alongement & à son extension. Pour bien concevoir ce singulier accroissement, il faut se ressouvenir que les vaisseaux & les fibres qui ont formé la racine, sont les mêmes exactement que ceux des lobes ; ainsi, ces derniers une fois sortis de leur enveloppe, & le suc affluant toujours dans ces canaux, l’accroissement se doit faire suivant leur direction qui n’est qu’un épanouissement en largeur & en longueur, & point en épaisseur. (Voyez au mot Accroissement comment il s’opère.)

La quantité de nourriture que la racine & les feuilles tirent, l’une de la terre & les autres de l’atmosphère ; la qualité de cette nourriture plus forte & plus substantielle que la matière farineuse & oléagineuse fournie par les lobes, sont les causes du dépérissement & du desséchement des feuilles séminales. Il se forme des obstructions à l’orifice des vaisseaux qui communiquent de la feuille séminale à la tige. Fournissant perpétuellement de sa substance, sans réparer cette déperdition, elle maigrit & meurt d’épuisement. On pourroit aussi soupçonner que la feuille séminale ne peut pas tirer de l’atmosphère une nouvelle nourriture. Sa forme particulière exclut peut-être les pores absorbans propres à cette fonction.

Il est donc constant, que les feuilles séminales sont d’un très-grand secours pour la jeune plante, en lui fournissant une nourriture appropriée à sa délicatesse. Les expériences que M. Bonnet a faites sur cette partie intéressante, le prouvent encore plus. Il coupa toutes les feuilles séminales de haricots & de sarrazin qu’il avoit semés en même temps que d’autres de la même espèce, mais qu’il ne mutila pas pour lui servir de terme de comparaison. Douze jours après, ayant mesuré les premières feuilles des haricots, auxquels il avoit laissé les feuilles séminales, il trouva qu’elles avoient trois pouces & demi de longueur sur autant ou à peu-près de largeur ; au lieu que les premières feuilles des haricots privés des feuilles séminales, n’avoient que deux pouces de longueur sur un peu moins de largeur.

Une différence analogue a subsisté entre ces plantes pendant toute la durée de l’accroissement. Il a toujours été très-facile de distinguer les uns des autres. Les premiers ont porté plus de fleurs, plus de siliques, & des siliques plus grandes que les seconds.

Le retranchement des feuilles séminales a eu de plus grandes suites dans le sarrazin : presque toutes les plantes qui ont subi cette opération, ont péri, les autres sont demeurées si chétives & si petites, qu’elles ont toujours été, à l’égard des premières, ce qu’est le plus petit nain à l’égard du plus grand géant, ou ce que sont les plantes qui ont cru dans le terroir le