Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivant M. Desaussure, l’écorce, proprement dite des pétales, contribue pour beaucoup plus à leur coloration que le parenchyme, & c’est à elle que l’on doit les vives & riches couleurs de la pensée, de la balsamine, du laurier-rose ; car il croit que le parenchyme de presque toutes les fleurs est blanc, si l’on en excepte celui de la bourrache & de quelques espèces de curcubitacées ; mais l’écorce n’est colorée que par le suc fourni par le parenchyme, & qui, par le contact de la lumière & du soleil, fermente & prend une nuance qu’il n’avoit pas encore dans le parenchyme. Je m’en suis assuré pour les pétales de la rose, du pied d’alouette, du pavot, du géranium & du souci.

Le parenchyme dépouillé de l’épiderme, & écrasé sur du papier blanc, laisse les traces de la couleur dont il étoit imbu ; mais cette couleur ne conserve pas sa nuance, le contact de l’air & de la lumière lui en donne une nouvelle : ainsi le rose de la rose & du navet devient violet ; le rouge même du géranium passe au violet pourpre, &c.

La matière ou suc colorant est susceptible d’une fermentation insensible, qui la fait passer par différentes teintes : nous avons vu plus haut qu’elle étoit, ou extractive ou résineuse, ou qu’elle tenoit également des deux principes. Dans la plante, cette matière est dissoute dans une suffisante quantité d’eau, elle est divisée autant qu’elle peut l’être ; dans cet état, à l’aide de la chaleur propre à tout végétal vivant, & à celle de l’atmosphère, elle peut entrer en fermentation, &, selon toutes les apparences, elle en éprouve une continuelle, depuis le moment où la plante se développe, jusqu’à celui où elle meurt. Cette fermentation forme de nouvelles combinaisons qui donnent de nouvelles couleurs : les effets de la fermentation en grand, nous prouvent assez cette vérité. Les sucs exprimés des raisins n’ont qu’une couleur pâle & blanchâtre : à peine commencent-ils à entrer en fermentation, que leur couleur devient plus foncée, jusqu’à ce que la fermentation passant à son dernier état de spiritueuse, le rouge violet se développe, & devient leur couleur fixe. Si l’on arrête la fermentation à ce point, cette couleur se conserve ; mais si on abandonne ces sucs vineux à eux-mêmes, la fermentation spiritueuse passe à l’acide ; & la couleur charmante & si agréable du vin se change dans la couleur triste & sale du vinaigre, qui dégénère de plus en plus, si la fermentation putride s’établit.

Pour rendre notre explication plus vraisemblable, suivons les effets de la fermentation sur la matière colorante des plantes : examinons des fruits, des feuilles & des fleurs adhérentes aux tiges qui leur fournissent les sucs nécessaires à la vie.

Le fruit. Une pomme, par exemple, quand elle est dans l’état d’embryon, est d’un vert jaunâtre ; mais à peine a-t-elle vu la lumière, qu’elle devient verte. Dans cet état, les sucs qu’elle contient sont acides : à mesure qu’ils s’adoucissent par la fermentation végétale, & que le fruit approche de sa maturité, ce vert disparoît, pour laisser place au jaune ou au rouge, que le contact des rayons du soleil rend plus ou moins vifs. Le temps de la maturité passé,