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pour prouver que son opinion sur les jachères n’est pas un systême hypothétique fondé sur des idées peu vraisemblables ; mais sur l’expérience qui nous apprend tous les jours qu’on peut changer les terreins les plus stériles en campagnes fertiles : pour opérer ce changement, il faut les forcer à produire le plus grand nombre des végétaux possible, sans accorder à la terre aucun repos.

Section IV.

Des Engrais.

Selon les méthodes établies de cultiver les terres, les engrais ont une influence très-grande dans la végétation & dans le produit des récoltes : à mesure qu’on cultive du blé dans un champ, il devient, suivant M. Fabroni, de plus en plus stérile. Les engrais viennent heureusement à son secours pour réparer ses pertes, en suppléant en quelque façon au terreau qui se décompose.

En adoptant la manière de cultiver que propose M. Fabroni, les engrais seroient absolument inutiles : lorsque la nature est en liberté, il est persuadé que la végétation continuelle, le dépérissement des végétaux anciens, leurs débris répandus sur la terre, sont les seuls moyens qu’elle employe pour procurer l’abondance dans le règne végétal. Quand il y a un très-grand nombre de plantes dans un terrein, M. Fabroni a observé que la couche de terre végétale est plus épaisse que lorsqu’il y en a peu ; par conséquent, il doit produire selon cette proportion : il conclut de ce principe, que pour rendre les terres fertiles, & supprimer les engrais, il faut multiplier les végétaux afin qu’ils produisent beaucoup de terreau.

Dans l’état actuel de l’agriculture, M. Fabroni considère les engrais, comme absolument nécessaires pour remplacer le terreau, que nous ne pouvons point nous procurer par les végétaux, tant que nous serons attachés à notre méthode de cultiver. Pour employer les engrais avec avantage, il est important de connoître les principes qui nourrissent les plantes, & les différens organes qui absorbent l’aliment qui leur est propre. Selon M. Fabroni, il résulte de la connoissance qu’il a de ces principes, que le meilleur des engrais est celui qui peut fournir le plus d’air fixe aux racines, & d’air inflammable aux feuilles. Il ne parle point de l’eau ni de la lumière, parce que la nature fournit elle-même abondamment ces deux principes.

Les trois règnes de la nature offrent des substances qui contiennent plus ou moins d’air fixe & d’air inflammable, lequel se développe par la fermentation, par la putréfaction, ou par quelqu’autre voie. Selon M. Fabroni, les engrais tirés du règne animal sont les plus défectueux : la fermentation qu’ils excitent n’est que momentanée ; l’effet qu’ils produisent dure par conséquent très-peu. Ils ont encore l’inconvénient de favoriser la multiplication des insectes, qui font souvent beaucoup de mal aux germes & aux racines des plantes. Il préfère ceux qu’on tire du règne minéral, parce que leur effet moins actif est plus durable. Leur défaut est de durcir & de resserrer le terrein ; ce qui est cause qu’ils ne sont pas propres à toute sorte de terres. Ceux du règne végétal sont