Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/626

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moindre herbe sur un champ cultivé de cette manière : voilà donc ces mauvaises herbes, si redoutées, devenues utiles, enfin détruites & converties en humus. Si elles végètent ou repoussent de nouveau, les labours donnés jusqu’au moment des semailles les détruisent & ne leur laissent plus le temps de grener ; de manière que les blés semés sur labours sont nets, à moins qu’il ne se trouve avec eux des graines étrangères, lorsqu’on les sème.

3°. Je vais hasarder une assertion qui me paroît très-vraisemblable, quoique je ne puisse pas encore la prouver par l’expérience ; elle n’avoit pas échappé aux anciens ; ils disoient que telle plante n’aimoit pas le voisinage de telle autre, sans en donner la raison, ou du moins une bonne raison. Ne seroit-ce pas à cause de la disproportion qui se trouve entre les sucs & autres principes rejetés par la transpiration ? Une plante se plaît plus dans un sol que dans un autre ; le saule se plaît plus au bord d’un fossé rempli d’eau bourbeuse, qu’auprès d’une rivière dont l’eau est claire, limpide, & le cours rapide : ne seroit-ce pas parce que cette eau bourbeuse lui fournit plus d’air inflammable que l’autre, & qu’il a besoin de beaucoup de cet air pour la végétation ? De ces exemples, ne pourroit-on tirer l’explication pourquoi telle plante étrangère aux blés leur nuit plus que telle autre plante ? Sans recourir, pour cause essentielle du dépérissement, à la privation des sucs que ses racines occasionnent, je crois que c’est autant à l’absorption des principes répandus dans l’atmosphère, dont elle affame sa voisine, & que, dans d’autres cas, les plantes se nuisent nécessairement par leurs transpirations qui ne sont point analogues. Je m’occupe de ces expériences : serai-je assez heureux pour en retirer quelque principe certain ?

III. Des jachères. 1°. La longueur du repos laissé à la terre n’est pas la même dans tout le royaume. Dans quelques endroits, après une récolte de froment, on sème du seigle, & quelquefois du froment, suivant la qualité de la terre : dans d’autres, il y a une intermittence d’une année entière ; enfin cette intermittence est quelquefois de plusieurs années consécutives, lorsque le terrein est maigre : c’est donc sur sa qualité qu’on se décide.

2°. Je ne vois dans aucun pays, dans aucun sol quelconque, l’utilité de la pleine jachère, le sol fût-il autant dénué de principes qu’on le suppose. Il vaut mieux semer de l’herbe commune, & l’enterrer ensuite, que de laisser la terre complètement nue. Voyez les expériences citées au mot Amendement, T. I, pag. 481, & ce qui est dit, pag. 501 du même mot.

3°. Les trop vastes possessions & les petits moyens d’exploitation ont donné l’idée des jachères ; mais lorsque je jette les yeux sur la petite portion de terrein qui appartient à un paysan, je vois qu’elle ne chôme point, tandis que celle du grand propriétaire, son voisin, ne produit des récoltes que tous les deux ans, quoique le sol soit le même. Le paysan, à force de petits soins multipliés, se procure des terres nouvelles, des engrais, & l’étendue de son champ n’excède pas la force de son travail. Vastes propriétaires ! cultivez comme lui, cultivez moins, cultivez mieux,