Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/672

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landes de cette espèce, est ordinairement fort & tenace, & la cendre des bois brûlés, outre les sels qu’elle contient, agit mécaniquement sur le fonds ; elle en divise les molécules, les détache les uns des autres, & leur donne plus de légèreté. Les auteurs ont donc eu raison de conseiller l’écobuage ; (voyez le mot Écobuer) mais ils sont tombés dans l’erreur lorsqu’ils l’ont généralisé.

Un pareil terrein, pour peu qu’il soit chargé de troncs d’arbres, de buissons, de broussailles, exige nécessairement d’être défriché à tranchée ouverte, autrement on courrait les risques de voir de nouvelles tiges pulluler à tous les coins. On a beau vanter les charrues montées sur des trains très-élevés, armées de couteaux, &c. jamais on ne parviendra à détruire complètement les racines, & par conséquent les rejets. Cependant afin d’éviter la dépense, ces charrues sont à préférer, lorsque l’es arbres ou broussailles sont en petite quantité ; parce qu’on les arrache auparavant à bras d’homme. Les forts labours retourneront la terre, l’ameubliront, & petit à petit la disposeront à recevoir la semence, & à décupler au moins son produit.

Ce que je dis des landes grasses éloignées de la métairie, s’applique d’une manière plus spéciale à celles qui en sont plus rapprochées. Elles méritent véritablement l’attention & toute la vigilance du cultivateur ; je doute même qu’il y ait un bénéfice réel à cultiver les premières, quoique leurs produits soient considérables. Un agriculteur intelligent calcule le temps perdu pour aller travailler ce champ, & celui pour en revenir ; la difficulté d’y conduire la semence, les engrais, d’en rapporter la récolte. &c. Que sera-ce donc si les chemins sont mauvais, il faudra doubler ou tripler le nombre des animaux destinés à la charrette, &, calcul fait des avantages & des désavantages, souvent le produit net sera zéro. Je ne vois qu’un seul cas où il soit avantageux de procéder à de grands défrichemens des landes grasses, mais éloignées de l’habitation ; c’est lorsque l’on veut y construire une métairie. Alors les travailleurs placés dans le centre du défrichement, ont l’œil à tout, & leurs bras s’étendent sans peine sur tous les points de la circonférence ; il ne reste plus que le transport des denrées, ce qui est un grand inconvénient. On y rémedie en prenant un genre de culture différent de celui des autres métairies ; la prudence & l’économie dictent de faire consommer sur les lieux mêmes tous leurs produits, soit en multipliant les troupeaux, en élevant du bétail, des chevaux, des cochons &c., & ne conservant des terres à grains, que ce qui est indispensable pour la nourriture des habitans de la métairie.

Si dans cet endroit éloigné, le bois a du débit, laissez subsister celui qui existe, & plantez-en de nouveaux. Cette nature de bien ne ressemble pas à celle des terres à grains qui, chaque année ou assez mal à propos tous les deux ans, donnent un bénéfice ; avec les bois, il faut l’attendre pendant longues années, à la vérité ; mais une fois venus, ils ne coûtent ni soins, ni peines, ni dépenses, & tout-à-coup, ils donnent de quoi acheter de nouveaux domaines. Si l’on calculoit les frais qu’entraînent les cultures réglées, ce que l’on paye en impo-