Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/122

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les appointir aussitôt & de les passer au feu, sur-tout la pointe, de manière que la partie extérieure soit noircie & même légèrement charbonneuse. Si on est assez riche pour se procurer les échalas d’une année d’avance, après les avoir écorcés, on les tiendra sous un hangar dans un lieu sec, & droits contre le mur ; je réponds qu’avec ces précautions ils dureront beaucoup. L’écorce contribue singulièrement à les faire pourrir ; tantôt sèche, tantôt humide, suivant la saison, elle se détache peu à peu du bois ; & jusqu’à ce qu’elle en soit entièrement séparée, ce qui arrive après la première ou la seconde année ; les insectes déposent leurs œufs dans sa substance, l’œuf éclos, & le ver qui en provient, ronge, creuse des galeries & se nourrit de la substance du bois. Ces gerçures de l’écorce servent de retraite à une infinité d’insectes, qui sortent ensuite pour aller, les uns dévorer les feuilles, les autres les fleurs ou les raisins ; un seul coup-d’œil suffit pour se convaincre de ce que j’avance, relativement aux insectes ; & pour avoir des preuves décisives de la nécessité d’écorcer, consultez le mot Aubier. On sait que le bois réduit en charbon & mis en terre, s’y conservera pendant des siècles. La partie extérieure de l’échalas, passée au feu & un peu charbonneuse, augmente sa durée : l’expérience & la comparaison sont faciles à faire.

Les mêmes préparations conviennent aux échalas du troisième ordre : c’est vouloir s’aveugler sur ses propres intérêts que de s’y refuser. Ils sont moins chers, j’en consens, que les premiers ; mais, si sur trois années on en gagne une, n’est-ce pas déjà une grande économie, & la dépense, pour les écorcer & les passer au feu, équivaudra-t-elle jamais celle de l’achat, sans cette précaution indispensable à la troisième année ? La diminution d’une dépense qui se renouvelle est un grand point. Je sais que le vigneron se refusera à cette pratique, sur-tout si, dans le marché fait avec lui, on cède les débris des vieux échalas, ou seulement ce que l’on coupe à leur base lorsqu’il faut les aiguiser de nouveau. Payez-le mieux, & ne donnez jamais aucun bois quelconque ; c’est le parti le plus prudent. Il est clair que pour avoir quelques fagots de plus, il aiguisera son échalas cinq ou six pouces plus haut que le besoin l’exige, & pour multiplier les petits débris il en soumettra de très-bons à ce qu’il nomme l’épreuve : elle consiste à tenir d’une main l’échalas par la partie supérieure, & de frapper de l’autre avec le dos de la goye sur la partie du milieu, de manière qu’étant, pour ainsi dire, en équilibre & très-sec, le bois se partage & se rompt en esquilles, en un ou plusieurs morceaux. Vous examinez ensuite le monceau des débris, & il paroît effectivement que le tout mériteroit d’être mis au rebut, & je vous dis à mon tour, que sans cette épreuve, plus du tiers auroit encore servi pendant une année.

III. Du fichage des échalas. J’ai déjà dit que ceux du premier & du second genre, une fois plantés, n’étoient plus arrachés de terre, à moins que la partie enfoncée ne fût pourrie. Il n’en est pas de même