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rique, & de l’air fixe ; enfin, après huit jours, le tout fut pressé, la liqueur mise dans un vaisseau presque fermé, & six semaines après, soumise à la distillation ; elle ne donna pas un atome d’esprit ardent.

Une égale quantité de grappes & de sarmens fut pilée dans un mortier, & lorsque le tout fut bien divisé, il fut mis à fermenter comme il a été dit ci-dessus ; une partie de cette liqueur, mise à évaporer dans une capsule, laissa un résidu pâteux, salin ; ce résidu lavé, la lessive passée au papier gris, mise ensuite à évaporer lentement, a donné pour dernier produit un sel, c’est-à-dire un véritable tartre, sel essentiel de la vigne comme du vin. Les grappes mises à fermenter d’un côté, & les morceaux de sarmens de l’autre, ont donné le même produit, & chacune à part, soumise à la distillation, n’a pas offert le moindre signe de spirituosité.

Si je ne me suis pas trompé dans ces expériences, il est donc démontré jusqu’à l’évidence que la grappe ne contient aucun principe du vin, sinon l’eau & le sel qui sont des principes très-accessoires, au moins le premier ; & ni l’un ni l’autre, ne sont constitutifs de l’esprit ardent.

Examinons actuellement d’où proviennent l’acidité & l’âpreté de la grappe & du sarment ; puisqu’il est démontré qu’ils se ressemblent en tous points.

Tant que le sarment & la grappe sont verts, l’eau de végétation est surabondante, elle tient en dissolution l’acide du tartre ; la charpente de l’un & de l’autre est encore molle, peu flexible, cassante au moindre choc ; les fibres sont peu liées, ou plutôt les interstices qui restent entr’elles ne sont pas remplis par les dépôts terreux, consolidés & réunis par le secours de l’air fixe. (Consultez les principes de la végétation, décrits au dernier chapitre du mot Culture.) Lorsque la vigne a cessé de pleurer, le bourgeon commence à pousser ; il est alors moins acide qu’il ne le sera bientôt après ; le bourgeon s’élance ; le raisin est formé, la grappe développée, la fleur épanouie, & l’acidité augmente. Déjà la chaleur de l’astre du jour est forte, le sarment prend de la consistance, l’acidité devient austère ; enfin, le raisin change de couleur, il mûrit ainsi que le bois ; l’acidité qui se manifeste alors est très-austère, affecte désagréablement le palais, tandis que, lorsque les vrilles ou mains de la vigne, sont encore tendres, on les mange avec plaisir, à cause de leur agréable acidité, très-différente de celle du sarment qui est toujours âpre ; les jeunes feuilles le sont moins que le sarment & plus que les vrilles. On voit, en suivant la marche de la nature, que lorsque l’acide est noyé par beaucoup d’eau, il est moins austère ; que la stipticité augmente à mesure que l’eau de végétation s’évapore par la transpiration ; alors le tartre, qui demande beaucoup d’eau pour sa dissolution, se dépose entre les fibres des plantes, les parties terreuses se déposent également, & le goût austère augmente à mesure que la charpente devient solide. S’il ne monte plus ou presque plus d’eau de végétation dans le sarment, l’âpreté diminue au goût, parce qu’il n’y a plus assez d’eau pour la faire