Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/235

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par conséquent, d’acquérir un degré de chaleur assez considérable. Cette chaleur est bien plus vive & plus forte, lorsqu’ils sont mêlés avec la paille, sur-tout avec celle de froment ou d’avoine ; mais une fois que ces fumiers ont jeté leur feu, qu’ils ont fermenté pendant un certain temps ; enfin, lorsqu’ils sont répandus & mêlés avec la terre, ils ne sont pas plus chauds qu’elle. Ce n’est donc plus par leur chaleur qu’ils agissent sur elle, mais simplement par les substances graisseuses, alcalines & aériennes qu’ils contienent, qui se mêlent avec les principes analogues, déjà répandus dans cette terre.

C’est la plus grande de toutes les erreurs, & la plus mauvaise de toutes les économies, d’employer ces fumiers frais. Un tombereau du même fumier bien consommé, produira plus d’effet que six tombereaux de fumier frais ; l’expérience l’a démontré. On dira peut-être qu’un tombereau de ce fumier est le résidu de ces six tombereaux, & qu’ainsi l’un revient à l’autre. Je suppose pour un instant que cela soit vrai ; mais ne compte-t-on pour rien les frais du transport & l’éloignement du creux à fumier au champ ? Si le tombereau fait huit voyages dans un jour, il faudra donc sacrifier cinq jours en sus pour remplir le même objet. En supputant le prix des journées des mules ou des chevaux ou des bœufs, & celui des journées d’hommes, on trouvera que la dépense est excessive, sans compter la perte du temps.

Toute substance, dans la nature, doit nécessairement passer par plusieurs périodes, avant de parvenir à son point de perfection ; les fruits en sont la preuve : nos préparations alimentaires confirment cet adage, & ce qui est soumis aux loix de la fermentation, l’est également à celles du temps. Le fumier tel qu’il sort de dessous les pieds des chevaux, est encore crud, si l’on peut s’exprimer ainsi : il a besoin d’être amoncelé afin de s’échauffer, afin de recombiner ses principes & de les réduire à l’état savonneux ; c’est le seul moyen de les rendre miscibles à l’eau, & capables de former la sève : quand même ce fait ne seroit pas aussi rigoureusement vrai, il seroit toujours très important d’attendre, avant d’enterrer le fumier, qu’il fût réduit à un état de concentration & à une atténuation de ses parties ; sans cela, le laboureur le plus expérimenté ne viendroit jamais à bout d’enfouir ses longues pailles, ni les grouppes plus ou moins gros qu’il forme avant sa décomposition. Or, tout fumier qui reste sur la superficie du sol, est de nulle valeur & presque entièrement perdu, relativement à la fertilité qu’il doit procurer.

Je ne connois qu’une seule manière de préparer le fumier ; c’est celle indiquée dans la section précédente. Il faut de toute nécessité qu’il soit environné de terre de tous les côtés, afin que sa chaleur ne dissipe pas ses principes par l’évaporation, & que cette évaporation ne soit pas augmentée par la chaleur des rayons du soleil. Examinez ces monceaux de fumier, élevés dans des cours ou en plein air, & vous verrez que toute la circonférence en est desséchée. Prenez le fumier de cette circonférence, tirez-en une même quantité du centre, & portez