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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/236

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séparément chaque partie sur un même champ, l’expérience vous indiquera alors, de la manière la plus positive, auquel on doit la préférence. Le sens commun seul suffit pour décider la question. Il vaut mieux multiplier les fosses, leur donner de la largeur & de la longueur, plutôt que de les faire trop profondes, c’est un embarras extrême pour en sortir le fumier. On peut cependant remédier à cet inconvénient, en pratiquant d’un côté seulement une pente douce & assez large pour que deux charrettes puissent, descendre jusqu’au fond. À mesure que le monceau de fumier s’élèvera, on aura soin de lui faire du côté de cette pente un parement en terre battue, au moins d’un bon pied d’épaisseur & même plus, suivant la ténacité & la consistance de la terre.

Si on n’a pas foin, comme je l’ai déjà dit, de placer, de couche en couche, de la terre ; en un mot, si le monceau est d’une seule pièce, a chaleur sera excessive ; ses parties graisseuses, trop fortement attaquées par la chaleur, & sur-tout par la réaction des sels, se détruisent ; le blanc s’y met, & cette maladie rend ce fumier comme un simple terreau, semblable à celui des couches, qui est resté trop long-temps exposé à l’air, à la pluie, &c. & qui a perdu presque tous ses principes. Règle générale, il est inutile de battre, de piétiner les fumiers, ils s’affaisseront assez d’eux-mêmes, sur-tout quand chaque lit fera terminé par une couche de terre.

D’après ce qui vient d’être dit, on voit l’excès de l’abus de laisser les fumiers trop étendus sur le sol ; plus ils ont d’épaisseur, moins sa chaleur extérieure & les pluies ont d’action sur lui. L’abus est encore plus criant, lorsque l’eau des pluies peut s’écouler, elle entraîne avec elle la quintessence, le jus du fumier, & il ne reste presque plus qu’un caput mortuum, ou un fumier dénué de ses principes.

Le cultivateur intelligent ne multiplie pas les opérations, & il les combine autant que les circonstances le permettent. Veut-il donner un engrais convenable à une terre trop compacte ? alors il substitue le sable à la couche de terre ; si le sol de son champ est trop meuble, la couche est formée par une bonne terre franche & même par de l’argile ; veut-il marner & ne pas attendre pendant plusieurs années, les bons effets de la marne ? il la mêle réduite en poudre avec ses fumiers, & la combinaison savonneuse se fait par ce mélange. En un mot, il prépare chaque fosse suivant les besoins de ses possessions.

Dans les provinces du nord du royaume, la préparation des fumiers est précisément l’opposé de celle que je conseille & que je pratique. Le milieu de la cour de la métairie est la partie la plus creusée, & où toutes les eaux pluviales des cuisines, des écuries &c. vont aboutir. On y jette tout le fumier, de manière qu’il nage perpétuellement dans un grand volume d’eau. Il est impossible, attendu l’abondance & la fréquence des pluies de ces provinces, que la fermentation s’établisse, que la combinaison des principes ait lieu ; enfin, que la paille pourrisse. En effet, lorsque l’on tire le fumier de cette mare, & lorsqu’on veut le charrier sur les