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ajoute de plus, qu’il étoit bien prouvé que, d’une même masse de vin donnée, MM. Argand retiroient plus d’eau de-vie que dans les autres brûleries. Je n’ai pas de peine à le croire ; j’osois même le soupçonner un an auparavant. Ce qu’il y a de certain, c’est que la quantité de l’eau-de-vie égale celle des meilleures de l’Aunis, si elle ne leur est pas supérieure ; tandis que toutes les eaux-de-vie du Languedoc & de Provence ont toujours un goût âcre. Je finis par répéter qu’à mon avis cet établissement est un chef-d’œuvre dans tous les genres.


CHAPITRE II.

De la qualité des Vins.


Lorsque le vin a un débit assuré & à un bon prix, il est inutile de le distiller : on doit laisser cette branche de commerce aux provinces qui en regorgent, soit par l’immense quantité de vignes qu’elles possèdent, soit par le manque de débouchés, soit enfin à cause de son trop bas prix. Avant d’établir une brûlerie, il est prudent de s’assurer par des expériences faites en petit, combien d’une mesure déterminée de vin, il est possible de retirer d’eau-de-vie au titre, & de celle au-dessous. Alors calculant les frais & le produit en esprit ardent, on les compare avec le prix courant du vin pendant les dix années antérieures, & dont on prend le terme moyen ; & on observe si, dans ces dix années, on étoit en guerre ou en paix. D’après un faux calcul en débutant, on se ruine. Si les uns les autres sont au pair, il est inutile de se donner la peine de distiller. Si le bénéfice excède réellement, & que le prix des vins soit, chaque année, à peu de chose près le même, on ne risque rien d’établir une brûlerie ; il faut travailler en grand, si on veut gagner.

Il est bien démontré que la seule substance sucrée est susceptible de fermenter & de produire un vin quelconque. Ainsi, tant que cette partie sucrée n’est pas entièrement combinée, c’est-à-dire, tant que le goût doux & liquoreux est bien sensible dans le vin, tour l’esprit ardent qu’il peut donner, n’est pas encore formé. Il est étonnant qu’un célèbre chimiste de Paris, qui a reconnu le premier de ces principes, ait dit ensuite : « les vins qu’on destine à être convertis en eau-de-vie, doivent être distillés six semaines ou deux mois après la fermentation complète, sans attendre qu’ils soient éclaircis. Ils fournissent, dans cet état, beaucoup plus d’esprit de vin qu’au bout de l’année ». Ce passage exige des réflexions, parce qu’il tire à grande conséquence.

1°. Je suppose un vin bien fait, qui n’ait ni trop, ni trop peu cuvé, dont le chapeau de la cuve n’ait point été dérangé pendant la fermentation, (voyez ce mot) dont le raisin ait été vendangé par un temps convenable ; & je dis, 1°. que ce vin donnera plus d’esprit ardent à la fin de mars qu’à Noël, sur-tout si le vaisseau qui le contient est renfermé dans une bonne cave. (Voyez le mot Cave)

2°. Que si, depuis Noël jusqu’au mois d’avril, on l’a tenu dans un lieu trop chaud & dans de petits tonneaux, il donnera moins d’esprit ardent qu’à la première époque.