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Dans le premier cas, l’esprit ardent se crée toujours par la fermentation insensible qui succède à la tumultueuse ; dans le second, cette fermentation insensible est trop accélérée, & une grande partie de la substance spiritueuse s’évapore à travers les pores du vaisseau. Que l’on débouche l’une & l’autre barrique, & l’on verra, quoique de contenances égales, qu’il manque beaucoup plus de vin dans la seconde que dans la première. Or, il a déjà été dit que l’esprit ardent s’évapore beaucoup plus facilement que l’eau, au même degré de chaleur : il n’est donc pas surprenant, qu’à la distillation de la seconde barrique on retire moins d’esprit ardent, même en faisant abilstraction de la différence de quantité en vin, ainsi cette soustraction dépend de la circonstance & non du temps.

J’érablis une proposition générale ; je dis que le même vin contient plus de spiritueux au commencement d’avril qu’à Noël, fondé sur les expériences journalières des grandes brûleries : cette proposition exige actuellement des modifications. Il existe des vins de si petite qualité, dont l’enchaînement des principes est si lâche, dont les principes même sont si mal combinés, & si peu disposés à l’être, qu’il est plus avantageux de les distiller à Noël que plus tard ; c’est sans doute de ceux-là que ce chimiste a voulu parler. S’il s’agir des vins de Languedoc, de Provence, &c. ils acquièrent pendant l’hyver ; & on fera très-bien de ne les brûler qu’en mars ou en avril, & même à la fin de l’année, si on les a conservés dans des foudres ou dans une bonne cave, & en plus grande masse possible. On est obligé, dans les grandes brûleries, de commencer plutôt, afin d’avoir fini les distillations avant les grandes chaleurs, parce que dans l’été les vins perdent trop de spiritueux, sur-tout lorsqu’on ne les tient pas dans des caves excellentes ; mais suivant la coutume, dans des celliers : d’ailleurs on est obligé de brûler, à mesure qu’on achete du vin. Heureux sera celui qui pourra acheter la vendange en nature, qui sera assez riche pour en acheter une grande quantité, & se conduire, comme il se sera expliqué au mot Vin.

En mars ou au commencement d’avril, c’est-à-dire au renouvellement de la chaleur, suivant le climat, il s’établit une nouvelle fermentation, l’insensible cesse, & celle qui lui succède est plus active ; l’air fixe cherche à se dégager, enfin le vin travaille ; cette opération de la nature le bonifie, le rend vineux, agréable, recombine ses principes, & cette agitation fait évaporer plus ou moins de spiritueux suivant les circonstances. Le point essentiel est donc de prévenir cette époque, à moins qu’on n’ait des foudres construits en maçonnerie & placés dans de bonnes caves. Alors l’évaporation du spiritueux est presque nulle, & le vin gagne en esprit pendant toute l’année. Cette expérience est décisive dans la brûlerie établie par MM. Argand ; & on ne doit pas se hâter de conclure sur de simples apperçus, que six semaines ou deux mois après la fermentation com-