Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/28

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remplissez-le alors de vin, il filtrera à travers le sable, & sera très-clair dans la partie inférieure du réservoir. Cette opération n’exige aucune dépense de plus, & ne dérange pas les ouvriers ; pendant qu’une distillation s’exécute, le réservoir se remplit. La seule dépense, une fois faite, consiste donc à lui donner plus de hauteur & plus de largeur qu’aux précédentes. Les brûleurs qui tendent à la quantité seule, traiteront cette précaution de minutieuse. Ils sont très-fort les maîtres de faire de mauvaises eaux-de-vie ; je ne la vois pas du même œil.

J’ai dit que la qualité des eaux de-vie de l’Aunis & de l’Angoumois étoit supérieure, à tous égards, à celles des provinces méridionales, & que cette qualité ne dépendoit pas de la manipulation. Elle tient essentiellement un peu de parties colorantes, tartareuses & mucilagineuses de ces vins, étendues dans une grande masse de fluides aqueux ; il arrive souvent, dans ces provinces, qu’on distille jusqu’à six, sept & même huit pièces de vin pour en avoir une d’eau-de-vie marchande, tandis qu’au midi de la France, souvent trois ou quatre suffisent. Il y a donc dans ces vins beaucoup moins de phlegme, plus de parties colorantes, &c. sur lesquelles le feu & l’esprit ont plus d’action pendant la distillation, & qui réagissent ensuite sur ce même esprit & sur l’huile du vin ; au lieu que, dans les premières, le phlegme plus abondant empêche ces actions & réactions. Je conviens que leur distillation est plus coûteuse ; mais le haut prix de leurs eaux-de-vie ne dédommage-t-il pas de l’excédent de dépense en bois & en main d’œuvre ?

Les vins de nos provinces du midi sont infiniment plus tartareux que ceux de nos provinces d’occident, & par-tout les vins blancs le sont moins que les vins rouges. On sait qu’il faut une grande quantité d’eau pour dissoudre le tartre, & que le vin ne contient que la juste quantité de fluide aqueux, pour tenir tout son tartre en dissolution complette. On concevra donc aisément que, par la distillation, outre l’esprit ardent proprement dit, on sépare encore une partie égale du véhicule aqueux. Or, dans cette circonstance, le tartre d’une gravité spécifiquement plus pesante que la vinasse, se précipite au fond de l’alambic où il s’y accumule, & se brûle plus ou moins malgré le mouvement d’ébullition ; ainsi, plus un vin est tartareux, plus l’eau-de-vie qu’on en retire est âcre, & voilà un effet qui a établi la différence de qualité des eaux-de-vie de nos diverses provinces.

La manière de faire les vins destinés à la brûlerie, ou ceux pour la boisson, est bien différente. 1o . Les vins qui abondent le plus en esprit ardent sont les meilleurs quant aux produits & non quant à la qualité. 2o . Les vins qui ont un goût décidé de terroir le communiquent à l’eau-de-vie. 3o . Les vins rouges, ainsi qu’on vient de le dire, donnent une eau-de-vie moins suave, moins amiable que les blancs. 4o . Les uns & les autres qui ont fermenté en grande masse dans la cuve, fournissent plus d’esprit. 5o . Ceux dont la fermentation