Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/295

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gela-t-il pendant tout l’hiver ; aux mois de mars & avril les vents du nord reprirent le dessus ; mais ceux du sud qui succédèrent en mai, amenèrent des orages avec des pluies si abondantes, que tous les vallons furent inondés, & la crue des eaux fut plus considérable qu’elle n’avoit été de mémoire d’homme : presque tout l’été fut pluvieux ; dans les mois d’août & de septembre il y eut des jours très-chauds ; les vents du nord soufflèrent rarement ; les orages avec tonnerre furent plus fréquens que dans les années précédentes ; l’automne & l’hiver derechef pluvieux avec des vents méridionaux.

Si le froid & la sécheresse qui eurent lieu dans les mois de mars & d’avril n’avoient modéré les causes de putridité, cette année ne pouvoit manquer de devenir funeste par des épidémies malignes ; mais d’un autre côté, le froid & la sécheresse, qui succèdent à un hiver doux & pluvieux, produisent des avortemens : les enfans qui naissent pour lors, meurent peu après, ou sont foibles & valétudinaires ; les tempéramens pituiteux sont en outre attaqués en été de dyssenteries, lienteries, hydropisies ; ceux qui sont bilieux, d’ophtalmies sèches, & les vieillards, des catarres qui les enlèvent entièrement. On fit dans cette année des remarques qui avoient quelqu’analogie avec celles qu’on fit sur les hommes ; les veaux & les agneaux étoient plus rares, plus foibles & plus petits que dans les années communes ; les ovipares se sentirent aussi du vice de la constitution ; les couvées de perdrix manquèrent, & le gibier fut peu commun. De là, M. Demars pense que, parmi les quadrupèdes, l’espèce qui a dû le plus souffrir des vices de la constitution, est celle qui, par sa nature ou son tempérament, son régime, le lieu de son habitation, seconde davantage l’action des intempéries de la constitution ; car c’est la réunion de ces causes particulières qui forme la cause complète des maladies.

La brebis passe pour être, de tous les quadrupèdes, le plus stupide ; elle s’égare sans nul dessein, en parcourant des endroits incultes ; dans les froids les plus rigoureux, elle sort des étables & elle périroit au milieu des neiges plutôt que d’y rentrer, si le berger n’avoit pas l’industrie de faire passer d’abord les béliers que les femelles ne manquent pas de suivre ; toutes ces observations sont d’Aristote. Cet auteur remarque, en outre, que les brebis restent couchées, ou qu’elles dorment moins que les chèvres ; que le moindre bruit les rassemble, & qu’une brebis pleine qui ne rejoint point le troupeau, lorsqu’il vient à tonner, avorte infailliblement. Ces animaux, dit M. de Buffon, sont d’un tempérament très-foible, ils sont par conséquent plus sujets que les autres aux intempéries de l’air : dès qu’ils courent, ils palpitent & sont bientôt essoufflés ; la grande chaleur, l’ardeur du soleil les incommodent autant que l’humidité, le froid & la neige ; ils sont sujets à grand nombre de maladies, dont la plupart sont contagieuses. Les années d’une humidité excessive ne sont pas les seules qui détruisent les troupeaux ; le froid & la sécheresse de l’année 1740, ainsi que l’a observé le docteur Huxham, firent périr presque tous les troupeaux des environs de Plymouth. Le lieu destiné