Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/298

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maux, on ne peut pas dire que leur présence soit particulière à la maladie dont il s’agit, puisque M. Daubenton en a observé dans tous les foies des moutons & des agneaux sains ou malades. Tout ce qu’on peut seulement en conclure, c’est que le foie des brebis est naturellement sujet à la corruption.

Nous avons rapporté, parmi les symptômes de cette maladie, que les moutons qui en étoient attaqués, ne laissoient pas de boire & de manger jusqu’à la fin, & plus on les nourrissoit abondamment, plus la maladie faisoit de progrès, & l’animal périssoit beaucoup plutôt, il léchoit les pavés de la bergerie & mangeoit de la terre. L’appétit naturel dans les animaux ou le désir des alimens, est une suite de la dissipation des sucs, tant par les évacuations sensibles, que par la transpiration insensible ; de-là naît la succion des fibres de l’estomac & le sentiment de la faim ; les appétits viciés sont encore causés par des sucs acides qui mordent & picotent l’estomac ; cette mordication produit à peu près le même sentiment que la succion, je veux dire la faim ; c’est cette dernière cause qui existoit dans les moutons hydropiques, & qui les portoit à lécher les parois des murailles, & à manger de la terre. Aussi l’animal ne maigrissoit point, quoique sa perte fût d’autant plus accélérée, qu’il étoit copieusement nourri ; il étoit même très-gras & en embonpoint ; cela n’est pas surprenant : rien ne contribue plus à l’engrais des moutons, que l’eau prise en grande quantité ; mais tout le monde sait que cette graisse des moutons n’est qu’une bouffissure, un œdème qui les fait périr en peu de temps, ce qu’on ne prévient qu’en les tuant immédiatement après qu’ils en sont suffisamment chargés, & qu’on ne peut jamais les engraisser deux fois, ce qui provient, dit-on, de la nature de son suif, qui, lorsqu’il est accumulé jusqu’à un certain point, peut arrêter la transpiration de l’animal, & faire regorger les sucs vicieux vers le foie. Il y a cependant des maladies causées par des froids & des sécheresses excessives, telles que celles de l’année de 1740, aux environs de Plymouth, qui firent périr une multitude innombrable d’agneaux & de moutons : dans ces sortes de maladie, l’animal parvenoit à une extrême maigreur, le foie s’enfloit & durcissoit beaucoup, & la vésicule du fiel acquéroit une grandeur énorme.

Il est bien difficile de réformer les saisons, & de changer les tempéramens des animaux ; l’art peut cependant nous apprendre les moyens de s’opposer aux qualités nuisibles de l’air : tout le monde sait que cet élément se corrompt en se remplissant d’exhalaisons animales, & que réciproquement l’air putride corrompt les animaux qui l’habitent ; ces effets réciproques se manifestent en moins de temps dans les années humides, lorsque les vents sont méridionaux & l’air calme : on fera donc bien de prendre d’abord des précautions sur les lieux de l’habitation des moutons. M. Hastfer veut que les étables de ces animaux soient bâties sur un terrein sec & élevé, & qu’elles soient assez grandes pour être plutôt froides que chaudes. Pour trente brebis, il les faut longues d’environ vingt pieds, hautes de neuf ou dix ; il y faut même des fenêtres & des lucarnes, ou quelqu’autre ouverture qui puisse