Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

racines se touchent, s’entremêlent & s’épuisent mutuellement ; mais si ces deux arbres ne sont pas de la même force en végétation, il est clair que les racines du plus fort gagneront les autres de vîtesse, & s’empareront de l’espace, de manière que les racines foibles ne trouveront plus la nourriture dont elles ont besoin. Cette raison est majeure, & de cette différence de végétation des arbres si rapprochés dépend le dépérissement d’un espalier. Passe encore si le propriétaire avoit le bon sens d’arracher l’arbre languissant, foible ou mort, & de ne pas le replacer ; les racines des deux arbres voisins profiteroient de cet espace ; leurs branches, il est vrai, ne seroient pas en équilibre, (ce qui est un point essentiel pour la circulation de la sève) parce que la prosperité des branches suivroit celle des racines, & peu à peu ces branches & ces racines absorberoient toute la sève de celles de l’autre côté de l’arbre. On auroit, à la vérité, deux arbres un peu difformes au lieu de trois arbres rabougris.

L’arbre étant mort, le propriétaire se hâte de le remplacer par un autre ; il végète pendant un an ou deux, il périt ensuite ; un troisième lui succède & il a le même sort ; le propriétaire dit alors, le terrein est épuisé ; non il ne l’est pas, ce sont les racines des arbres voisins qui, ayant trouvé près d’elles une bonne terre bien remuée pour la nouvelle plantation, sont venues s’en emparer ; voilà le nœud de tout le mystère : somme totale, il est clairement prouvé par le bon sens & par l’expérience que l’on perd tout en plantant trop près, & que l’on paie bien cher, dans la suite une jouissance éphémère.

Pour hâter cette jouissance, on a encore la fureur de planter entre deux arbres nains, un arbre mi-tige, afin, dit-on, que le haut du mur soit garni en même temps que le bas ; c’est à mon avis de toutes les coutumes la plus pernicieuse ; un pêcher, un poirier, ou tel autre arbre doit, dans l’espace de huit à neuf ans, tapisser un mur sur une surface de dix-huit pieds de largeur, & de huit, neuf à dix pieds de hauteur, non pas en le taillant à la manière des jardiniers, mais ainsi qu’il sera dit au mot Pêcher : cet arbre servira d’exemple pour tous les autres.

Comment ne voit-on pas que les branches du nain, placées sous les branches du mi-tige sont 1°. privées de la colonne perpendiculaire de l’air & des rayons du soleil ; 2°. que toutes les impuretés que les vents portent sur les branches supérieures, en sont détachées par les pluies, tombent sur les feuilles inférieures, & si la pluie n’est pas considérable, ces ordures y forment une croûte qui empêche leur transpiration. 3°. Les excrémens & les dépouilles des insectes qui vivent sur l’arbre supérieur, occasionnent les mêmes ravages : je n’entrerai pas dans de plus grands détails, & afin d’éviter des répétitions inutiles, consultez le mot Cloque ; j’ajouterai seulement qu’on verra presque toujours les arbres mi-tiges, prospérer beaucoup plus, que les arbres nains plantés en-dessous : on aura beau faire, cette différence sera frappante, même en supposant les espèces analogues relativement à la vigueur naturelle de végétation ; que sera-ce