Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/378

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gereux, & il l’est certainement. Quoiqu’il n’agisse que lentement, il n’en est pas moins terrible, & ses ravages ne peuvent pas se prévoir, parce qu’ils se passent sourdement ; c’est un ennemi, qui, dans l’obscurité de la nuit, sappe en silence les fondemens de l’édifice ; le jour paroît, son œuvre d’iniquité est terminée ; il n’est plus temps d’y remédier, la maison s’écroule & écrase dans sa chute son malheureux maître, qui dormoit tranquillement dans le sein d’une trompeuse sécurité.

M. Bayen ayant fait séjourner, durant deux mois, dans une mesure de pinte d’étain, vendue pour du très-bon étain commun, du vinaigre distillé d’une moyenne force, il retira la liqueur, au fond de laquelle étoit une poudre blanche, qui, lavée & séchée, pesoit près de quinze grains ; c’étoit de la chaux d’étain. Le vinaigre mis à évaporer, donna encore onze grains & demi de sel de saturne ou de plomb. De quel danger n’est-il donc pas de garder dans de pareils vaisseaux du vin & d’autres liqueurs acidules ? & c’est cependant ce qui arrive tous les jours dans les communautés, les collèges & les maisons religieuses. Heureux, si la propreté & la vigilance des maîtres & des domestiques concourent à ne jamais les laisser séjourner dans ces vaisseaux, à les rincer & les nettoyer souvent !

D’après ces observations, conclurons-nous l’abolition totale des vaisselles & ustensiles d’étain ? Non, la faïence & la terre cuite font trop fragiles, l’argent trop cher, le cuivre même étamé trop dangereux, le fer trop incommode ; & l’étain est si bon marché, & d’un usage si étendu, que le peuple & cette classe de citoyens pour laquelle nous écrivons, & qui est la fin & le but de tous nos travaux, ne peuvent guère s’en passer. Mais, c’est au magistrat à veiller sur ses intérêts, & à forcer les potiers d’étain à se conformer à la loi.

On a été, jusqu’à présent, dans l’usage d’employer des vaisseaux de cuivre que l’on étame, ou que l’on recouvre d’une couche d’étain ; toutes nos batteries de cuisine sont de ce genre, ainsi que les alambics. On a beaucoup crié contre l’étamage en général ; on en a proposé de nouveaux, peut-être trop dispendieux, pour qu’ils puissent devenir communs ; mais il en est un qui nous paroît mériter la préférence, celui fait avec le zinc. (Voyez ce mot) Nous n’entrerons pas ici dans le détail de l’étamage, ce procédé regarde absolument l’art du chaudronnier. Il nous est impossible de corriger les abus des mauvais étamages ; les conseils sont notre seule ressource : puissent-ils être suivis autant que nous le désirons ! Nous n’avons en vue, que le bien & la santé de nos semblables.

Toutes les batteries de cuisine ne devroient être étamées qu’avec de l’étain des Indes, que nous avons reconnu être si pur. Il est plus cher à la vérité, mais payez l’étamage en proportion. Doit-on calculer avec ce qui intéresse la santé ? Il n’est pas nécessaire, comme quelques personnes l’ont pensé, d’augmenter l’épaisseur de la couche d’étain ; le peu d’épaisseur ordinaire suffit, pourvu que l’étain soit pur ; mais il faut renouveler souvent l’étamage, qui ne peut résister long-temps au mouvement & à l’action des substances qu’on y fait bouillir & cuire. Ce n’est pas que les graisses, de quelque