Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/389

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sera-t-on fort embarrassé pour se procurer de la terre.

Si la chaussée n’a pas une longue portée, si l’on trouve facilement dans le voisinage des pierres propres à la construction, il est plus avantageux, plus profitable de la faire en maçonnerie ; les fondations seront proportionnées à la hauteur, & l’épaisseur de toute la maçonnerie doit avoir le moitié de la hauteur. Je sais que bien des gens se contentent du tiers, parce que, disent-ils, l’effort de l’eau est plus perpendiculaire que latéral. Cela est vrai jusqu’à un certain point, par exemple, dans un vase, sur un terrein circonscrit, également profond dans toutes ses parties ; mais ici le cas est bien différent ; l’eau agit de tous les points de la circonférence contre cette chaussée, à cause du plan incliné sur lequel elle porte. Quand cette assertion ne seroit même pas rigoureusement vraie, un père de famille peut-il se laisser entraîner par des vues mesquines, & trembler à chaque orage, que sa chaussée ne soit emportée, & par conséquent, tout son poisson perdu ? Il seroit facile de citer des exemples d’un semblable événement ; les papiers publics en fourmillent. Il est donc juste que le propriétaire soit puni de sa négligence, & qu’il reçoive une leçon coûteuse, (c’est la meilleure) ; mais le grand mal, est que le volume d’eau franchissant les obstacles qui le captivoient, porte en s’échappant la terreur dans les villages, & la désolation sur tous les champs placés au-dessous.

Plusieurs propriétaires forment la chaussée avec des pieux de chêne ou de châtaignier, éloignés de douze ou dix-huit pouces les uns des autres ; ils forment au moins deux rangées, l’une à l’extérieur, & l’autre à l’intérieur. Sur ces pieux sont clouées de fortes planches sur toute la longueur de la chaussée, de manière que le tout fait un encaissement dans lequel on jette & corroie la terre. À moins que le bois ne soit très commun sur les lieux mêmes, cette construction est fort dispendieuse, & après un certain nombre d’années, fort sujette à de perpétuelles réparations. Le bois se conserve dans l’eau, le chêne sur-tout ; mais toute la partie hors de l’eau travaille, se déjette & pourrit ; l’eau poussée en vagues contre ces planches, s’insinue entre leur séparation, détrempe la terre, l’entraîne ; il se forme peu à peu des cavités. Si l’eau peut s’établir un petit courant dans le centre de l’épaisseur de la chaussée, le terrein sera miné, & au moment qu’on s’y attendra le moins, la crevasse paroitra, le courant l’agrandira, & la chaussée sera perdue.

La meilleure terre pour la construction des chaussées est l’argile, la plus mauvaise, la sablonneuse. L’argile demande à être corroyée, parce qu’elle ne s’asseoit pas facilement ; la terre simplement forte se tasse d’elle-même avec le temps ; la sablonneuse ne prend jamais la consistance requise, & laisse toujours filtrer l’eau. Il y auroit un moyen sans doute de lui donner de la consistance, ce seroit de la mêler avec de la chaux en poudre ; mais quelle dépense ! ce sera toujours une mauvaise chaussée.

Si le cailloutage, si le sable pur sont dans le voisinage, & que le prix de la chaux soit modéré, un encaissement fait en béton sera éternel. S’il a l’épaisseur requise. On peut même en construire ainsi toute la