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chaussée, & le suppléer à la maçonnerie, si elle n’est pas d’une longue portée. Le béton une fois cristallisé, ne laisse aucune prise à l’eau, & fait du tout un corps d’une seule pièce.

J’ai dit que la chaussée devoit être élevée au-dessus des plus grandes eaux, que sa crête devoit égaler sa hauteur. Ce n’est pas encore assez, la partie extérieure de cette crête sera encore plus élevée que l’intérieure, afin d’arrêter les derniers effets des vagues : ainsi, sur huit pieds de diamètre de la crête, la partie extérieure sera plus élevée que l’autre, de seize à dix-huit pouces, & sur un plan incliné de deux pouces par pied. Une chaussée surmontée par les vagues est une chaussée perdue. On ne sauroit trop le répéter, plus la chaussée est perpendiculaire, plus l’action des vagues est forte, plus elle est destructive, plus elle sappe le terrein & le fait ébouler ; au lieu que l’inclinaison des talus sur un angle de quarante-cinq degrés, oppose une foible résistance ; l’eau coule & ne dégrade pas.

Aussitôt que le terrein sera élevé, il convient de le semer & de le couvrir de graine de foin. Les feuilles & les racines des plantes menues, tapissent la superficie du terrein, ne font qu’un corps ; l’eau glisse par-dessus, & ne peut l’attaquer.

Si on se hâte de jouir, si on met l’eau sur le champ, le terrein travaillera beaucoup, s’affaissera trop promptement & inégalement, parce qu’il n’est guère possible que la qualité de la terre employée soit homogène. Il vaut beaucoup mieux laisser le tout se tasser pendant une année, & donner le temps à l’herbe de croître & de former un glacis solide.

Quelques particuliers ont la coutume de planter des arbres sur les chaussées : l’effet en est très-agréable, très-pittoresque, & j’ajoute, très-pernicieux. Si les arbres sont multipliés, leurs racines auront bientôt rempli tout le terrein, elles se soutiendront mutuellement tant qu’ils subsisteront. L’arbre mort, les racines pourrissent, deviennent spongieuses, & font autant de siphons qui attirent l’eau du dedans en dehors ; les petits courans sont formés, & la chaussée détruite. Qu’un coup de vent déracine un arbre, qu’il tombe, ou dans l’étang, ou sur la chaussée, voilà une brèche faite ; elle sera bientôt agrandie par les vagues, & pour peu qu’elles trouvent de prise, elles pénètrent de part en part, & la chaussée est anéantie. Ces craintes ne ressemblent point à des terreurs paniques ; le fait les réalise chaque jour, & on ne le prévoirait peut être pas, s’il n’avoit été confirmé par l’expérience. Les arbres, les buissons sont d’ailleurs le repaire des oiseaux, des loutres, & de tous les animaux destructeurs des étangs ; dès-lors il est prudent de les en éloigner.

IV. Des dégorgeoirs ou décharges d’eau. Il est impossible qu’à certaines époques de l’année, l’étang qui ne reçoit même que les eaux pluviales ne soit trop plein, & par conséquent, la chaussée en danger d’être surmontée par les eaux, ou de crever. Autant que faire se peut, on doit donc ménager une décharge de chacun de ses côtés ou au moins d’un seul. Il est indispensable que cette partie soit en bonne & solide maçonnerie ou béton, ainsi que la pente sur laquelle l’eau doit couler. À une