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sujet, est l’acidité, la pousse ; si le corps muqueux doux y domine, l’acidité s’y formera, mais assez lentement, & il restera long-temps dans cet état sans pourrir. Lorsqu’au contraire le muqueux âpre y surabonde, il passe promptement à l’état de vin poussé ou tourné, sans passer à celui d’acide. C’est pourquoi l’on retire de l’esprit ardent des vins poussés, & que l’on n’en obtient point des vins aigris ; l’existence de l’esprit ardent dans les vins poussés, les distingue des vins pourris.

IV. Le muqueux doux est le seul qui soit parfaitement susceptible de la fermentation vineuse ou spiritueuse. Le sucre est, par excellence, de cette classe ; ainsi, plus un raisin contient de principe sucré, & plus le vin qu’on en retire est généreux, plus difficilement il passe à la fermentation acide & à la fermentation putride. Si ce principe sucré est en excès, c’est-à-dire, si, après que le raisin a été écrasé & pressé, il en sort une liqueur très-épaisse & très-visqueuse, la fermentation commencera à être sensible, lorsque la plus grande partie des substances grossières se sera précipitée au fond du vaisseau qui la contient, & encore la fermentation sera foible, & le vin restera toujours liquoreux, tels sont les vins de Malvoisie, les vins muscats, &c. Si le raisin qui produit ces vins est préparé comme les raisins appelés de carême ou de Calabre, il se formera, après son exsiccation, de petits cristaux d’une couleur blanche, & d’une consistance peu solide : ils sont un vrai sucre. Le raisin contient donc deux principes salins, l’un sucré, & l’autre acide ou le tartre.

La conséquence à tirer de ces assertions, est que, lorsque le principe sucré est peu abondant dans le raisin, l’art doit venir au secours de la nature, ce qui fera expliqué dans la suite.

À ces quatre classes de muqueux, se rapportent naturellement le suc de toutes les espèces de raisins, dont la qualité est presque toujours subordonnée ou à des causes inhérentes à l’espèce, ou à l’année, ou au sol ; objets qu’il ne faut jamais perdre de vue.

Le raisin, depuis le moment de sa fleuraison jusqu’au point de sa complète maturité, n’est jamais entièrement fade ; quoique plusieurs espèces le soient beaucoup par elles-mêmes, & encore plus dans les années pluvieuses à cause de la pourriture ; le grand point est de connoître ces espèces, d’en faire un vin à part, & de conserver celles qui contiennent le plus de principe sucré, & sur-tout le principe aromatique. Ce n’est pas assez qu’un vin soit généreux, il faut encore qu’il soit aromatisé, qu’il ait un bouquet, un parfum. Ce dernier tient toujours à l’espèce de raisin, & souvent il est plus développé par la qualité du sol dans lequel la vigne est plantée : la preuve en est frappante dans le plant de vigne cultivée aux environs de Paris ou en Bourgogne, &c, ce que nous développerons davantage au mot Vin.

On doit conclure que la fermentation & le vin qui en est le résultat, sont toujours en raison du principe dominant de l’espèce de raisin ; & j’ajoute que le plus ou moins d’activité dans la fermentation vineuse & tumultueuse, dépend beaucoup de la quantité d’air contenu dans chaque espèce de raisin, & qui se dé-