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par conséquent le muqueux sucré se trouvant rapproché sous un plus petit volume, est obligé, pour opérer sa dissolution, d’absorber & de s’approprier une certaine quantité du véhicule aqueux de la masse, ce qui le diminue d’autant.

3°. Ce moût bouilli, semblable au sucre noyé dans l’eau & converti en sirop, a reçu par la cuisson un goût, une odeur, une saveur qu’il n’avoit point auparavant, & plus ou moins flatteuse & agréable, suivant la maturité du raisin & la qualité du cépage qui l’a produit. Passons actuellement à la pratique.

§. I. De l’addition du moût bouillant ou bouilli, & de la manière dont on doit le verser dans la cuve. La manière d’être du raisin & de l’espèce, décide en quelle quantité on doit faire cuire le moût, & jusqu’à quel point on doit le faire cuire. Le procédé est simple ; aussitôt que le raisin arrive de la vigne, on le jette sur le pressoir, on donne quelques coups de serre, la liqueur coule dans un tamis de crin ou à mailles assez serrées, afin que les pépins, les grains, &c. soient séparés & ne se mêlent pas à la liqueur, car le pépin bouilli avec elle lui communique son âpreté ; enfin, on le transvase dans les chaudières, dont le nombre & le volume sont proportionnés aux besoins. Les chaudières décrites au mot Alambic, environnées par des tuyaux en spirale pour conduire la chaleur économiseront beaucoup la consommation du bois.

Si par la même opération on veut remplir deux objets à la fois, il faut, dès que la chaudière est pleine, ménager le feu ; lorsque le moût commence à bouillir, le phlègme s’évapore par une ébullition légère & soutenue, les parties les plus grossières se séparent de la liqueur, montent à la surface & on les écume rigoureusement. Si l’ébullition est trop active, elles se confondent bientôt avec la liqueur, & ne reparoissent plus ou presque plus sur cette surface. Petit à petit le moût cuit à la manière des sirops, & lorsque la liqueur est réduite à un quart, un tiers ou à moitié, suivant le besoin, on la transvase dans des vaisseaux, & on la jette dans la cuve.

J’ai dit qu’il falloit prendre du moût tiré promptement du raisin, & non pas du moût qui aura déjà subi un commencement de fermentation, ou sa fermentation complète par le spiritueux sera déjà développée, ou au moins en partie, & l’ébullition soutenue le dissiperoit complètement, de manière qu’il ne resteroit plus dans cette liqueur que le muqueux sucré. Ce moût ainsi préparé & ajouté à la masse, fait paroître la liqueur, qu’on en retire après la fermentation, plus corsée, plus amiable, plus savoureuse, plus moelleuse. On peut comparer les vins sans addition de moût cuit, aux liqueurs simplement faites par le mélange de l’esprit ardent, du sucre, d’un ou de plusieurs aromates ; & ceux où il y a addition de moût cuit, aux liqueurs nommées huiles, dont le sucre à bouilli dans l’eau jusqu’à consistance de sirop. La comparaison seroit presqu’entièrement exacte, si le moût avoit été réduit à cette consistance, & s’il n’avoit pas été ajouté à une trop grande masse aqueuse. Malgré la quantité de phlegme & du mélange, le vin conserve du plus au moins cette qualité qui masque en partie le goût