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On peut faire ici, relativement à la chaleur, les mêmes réflexions que sur l’effervescence ; mais je ne pense pas, comme M. Poitevin, que le renouvellement de chaleur de près de trois degrés, le vingt-six octobre, dépende essentiellement de la manière d’être de l’atmosphère, & du vent du nord qui a succédé au sud-est pluvieux pendant les jours précédens. Deux raisons déterminent mon dire négatif : la température du cellier a simplement varié du vingt-deux au vingt-six octobre, du douzième au treizième degré de chaleur, & le vingt-six elle étoit de douze degrés & demi ; il est probable que la masse fermentante n’a pas dû souffrir une révolution de près de trois degrés de chaleur, tandis que celle de l’atmosphère du cellier n’a éprouvé que la différence d’un degré.

Si c’est relativement à la simple manière d’être du vent, on fait que les liqueurs spiritueuses travaillent plus lors des vents du midi que du nord, même dans les tonneaux bien bouchés.

J’ose donc dire que cette différence sensible de trois degrés dans la chaleur de la fermentation, ainsi que les marques de l’ébullition, annonçoient une des crises successives du rehaussement de la masse, après le premier affaissement dont j’ai parlé plus haut. Je puis me tromper dans ma manière de voir, & loin d’avoir envie de critiquer l’opinion de M. Poitevin, je le prie de répéter la même expérience & de me faire connoître si je me trompe.

De ce qui vient d’être dit sur la chaleur en général de la fermentation, on doit conclure qu’elle indique seulement sa progression ascendante, qu’elle dit au propriétaire, fois attentif à la métamorphose qui va s’opérer ; tu es à l’instant de jouir de tes travaux ; tes soins vont être récompensés, & tu vas bientôt décuver ton vin ; le moment critique approche, sache le saisir.


Section II.

Des signes regardés comme décisifs pour le décuvage du vin.


Voilà le point délicat de l’art ; c’est une grande question de savoir s’il est possible de donner un signe caractéristique qui puisse être utile à tout le royaume, & saisi par les personnes les plus instruites, & par les moins clairvoyantes. Les anciens œnologistes se sont peu occupés de ce point important, & les modernes ne sont pas d’accord entr’eux, il est bon de connoître leur manière de voir. Ce seroit une erreur, & très-grande, de juger de la méthode d’une province, par celle d’une autre province ; les circonstances ne sont pas les mêmes, & l’on raisonneroit à faux, si on disoit, par exemple, à Bordeaux l’on fait d’excellent vin, à Nuits, à Beaune, &.. à Rheims, à Ai, &c. il faut adopter la même méthode. Les espèces de raisins sont différentes, ainsi que le sol & le climat ; l’analogie est donc détruite : il y a plus, les espèces de raisins, transportées d’un lieu éloigné dans un autre, ne suivent pas strictement la même marche dans la fermentation ; j’en ai la preuve. Comment est-il donc possible d’établir une loi fixe pour les vignobles de tout le royaume ? cependant la fermentation est une opération de la nature, elle suit par-tout la même marche, quant au fond ; mais elle