Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/135

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avec facilité ; si on y sème suivant la coutume locale & comme dans les terrains de bonne qualité, mais naturellement dépourvus de plantes parasites, les herbes domineront insensiblement sur le froment.

Les semailles hâtives ou tardives exigent nécessairement une différence dans la qualité des grains ; les premiers semés tallent beaucoup & les autres fort peu. Que d’exemples pareils il seroit aisé de citer ! & pour peu que le cultivateur se dirige d’après un examen bien réfléchi, il reconnoîtra la nécessité indispensable de varier, suivant les besoins, la quantité de ses semences. Tâchons d’établir quelques généralités.

Commet les mesures des terres varient continuellement d’un lieu à un autre, ainsi que celles des grains, il est nécessaire d’employer des mesures universellement connues. J’estime en général, 1°. que sur une surface de terre de 400 toises quarrées, (la toise de six pieds-de-roi) on peut semer avant l’hiver 40 livres de froment poids de marc, & 50 livres pour les marsais ; 2°. que dans les champs sujets à l’herbe, 50 livres avant l’hiver, & 60 après l’hiver ; 3° que plus le sol est riche & propre au froment, plus on doit diminuer la quantité de semence ; 4°. que plus il est maigre, plus on doit l’augmenter, mais ne pas excéder 50 livres avant l’hiver, & 60 après l’hiver.

Si on sème trop épais dans les bons fonds, & pour peu que les saisons aient favorisé le tellement des blés, s’il survient des pluies lorsque l’épi sera formé & qu’il approchera de sa maturité, si à cette époque il survient de grands coups de vent, les blés seront versés, &, dans le premier cas, ils ne pourront se relever ; alors on récoltera la paille & quelque peu de mauvais grains qui fermenteront dans le grenier ou germeront dans le gerbier, si les jours de la récolte ne sont pas chauds & sereins. Moins les tiges sont serrées, & plus elles sont fortes & capables de soutenir les épis ; si elles sont très-rapprochées, elles fileront, seront grêles, plus élevées que les tiges des premiers blés, & le poids de l’épi, plus éloigné du centre & porté sur une tige fluette, l’oblige de céder au plus léger effort, ou du vent, ou de l’augmentation de ce même poids par la pluie. Les plantes, les arbustes, les arbres tendent sans cesse à s’élever vers le soleil ; mais comme les feuilles forment, dans le total, une espèce de voûte qui couvre l’épi de son ombre, chaque tige fait tous ses efforts pour se mettre au niveau de la tige voisine, & sa hauteur augmente aux dépens de son diamètre. (Voy. Tom. III, page 167 du mot Châtaignier) C’est par cette raison que tous les épis parviennent ordinairement à la même hauteur, & si quelques tiges s’élèvent plus que les autres, cette différence tient à un agent simplement local & du sol, & non inhérent à la semence.

Malgré ce que j’ai dit sur les semailles des terrains maigres, je ne vois pas qu’il soit encore bien décidé qu’il faille y semer plus épais que dans un sol fertile. Dès que nous le supposons mauvais, il l’est parce qu’il n’a pas assez de fond de terre, ou parce que ce sol contient très-peu de terre végétale ou humus.