Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/157

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en mouvement de la tête aux pieds, dans une posture fatigante, & le visage tourné contre terre, on conviendra, à moins qu’on ait une ame d’acier, que jamais salaire n’est plus justement mérité & argent mieux gagné.

Avant de commencer la moisson, l’aire (Voyez ce mot) doit être rebattue à neuf, les charrettes, les traits des bestiaux en état, ainsi que tous les outils nécessaires. Les propriétaires négligens paieront chèrement le manque d’attention sur les plus petits détails.

La méthode de lever la récolte, varie suivant les provinces. Dans l’une on travaille à la journée, & tous les ouvriers sont soumis à un chef choisi parmi eux ; dans d’autres on donne à prix fait, & ce prix fait varie encore de plusieurs manières. Ici on paie tant par mesure de blé semé, & les moissonneurs sont obligés d’abattre le froment, de le rassembler en gerbes & de les lier ; cette dernière opération est l’ouvrage des femmes qui suivent les coupeurs. Là, les coupeurs en nombre fixé, font un traité avec le particulier, d’abattre la moisson, de la conduire à l’aire, (le propriétaire fournit les voitures) de la monter en gerbier, de la battre, de la vanner & de porter enfin le blé net dans le grenier. Ces ouvriers ne sont pas communément payés en argent. Ils ont, par exemple, 2, 3 ou 4 mesures de grain sur 20 mesures, c’est-à-dire, que le propriétaire en a seize, & que les moissonneurs se partagent entr’eux les quatre autres. Dans certains cantons ils lèvent 7 sur 10, ce qui dépend du plus ou moins grand nombre de travailleurs qui se présentent, & ils se nourrissent à leurs frais lorsqu’ils se paient par eux-mêmes.

Quand l’on peut choisir, & que l’on n’est pas obligé de plier sous la loi impérieuse de la coutume du canton, la dernière méthode est préférable, parce qu’il est de l’intérêt de l’ouvrier, 1°. de bien moissonner ; 2°. de bien lier les gerbes ; 3°. de les retourner à propos sur le champ ; 4°. de les monter en gerbier de manière que les blés ne soient pas pénétrés par la pluie ; 5°. de les battre & vanner convenablement ; enfin, le maître ne peut pas perdre par leur faute, sans qu’une partie de la perte ne retombe sur eux, & il résulte un bien pour tous de cet intérêt réciproque.

La plus mauvaise de toutes les méthodes est de nourrir & payer à la journée. Les ouvriers ne sont jamais contens de la nourriture, boivent beaucoup, travaillent peu, puisqu’il est de leur intérêt que l’ouvrage soit de longue durée, & pour peu qu’il survienne du mauvais temps, ils ne vont pas à l’ouvrage, la gerbe pourrit sur le champ, & la récolte en souffre.

Si le prix fait du moissonnage est argent, si celui du battage, vannage, &c. l’est aussi, qu’arrive-t-il ? pour moins se courber & hâter le travail, l’ouvrier coupe la paille à plus d’un pied au-dessus de la terre ; en donnant à son bras toute son étendue, & le ramenant en demi-cercle il embrasse avec la main gauche la plus grande quantité possible de paille, serre peu cette main, donne son coup de faucille sans aucune attention, il reste beaucoup de tiges couchées ; un grand nombre d’épis cassés au haut des tiges par le contrecoup, tombent ; la paille coupée est mal étendue sur la terre ; la lieuse la ramasse à la hâte, &c. &c. & l’on