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le premier printemps, lorsque l’écorce est susceptible de se détacher du bois, s’il survient des pluies ou abondantes ou fréquentes, il est prudent de différer de greffer jusqu’à ce que le beau temps se soit rétabli, & d’attendre même quelques jours après. À cette époque la sève monte avec trop d’impétuosité dans l’arbre, & cette sève trop aqueuse manque de ce gluten, de ce liant, de ce visqueux qui assujettit l’écusson contre le bois & les écorces les unes contre les autres ; en un mot, l’aquosité noie la greffe. S’il pleut pendant l’opération ou aussi-tôt après, sa reprise, par la même raison, sera très-difficile. Il vaut mieux greffer dans la matinée que le soir & jamais à midi, sur-tout pendant les sécheresses. Dans ce dernier cas, il est indispensable, si on ne peut commodément arroser le pied des arbres à greffer, différer l’opération. La sécheresse nuit souvent aux greffes de la seconde sève, & il s’y joint quelquefois des vents brûlans, de ces vents appelés siroco en Italie & du sud-est dans nos Provinces méridionales : il est démontré par l’expérience que les greffes faites dans ces circonstances sont desséchées dans la même journée. De ces petites observations pratiques dépend souvent le succès.


Section II.

Des avantages des différentes espèces de Greffes.


La greffe par approche est peu usitée, parce qu’on trouve rarement deux sujets assez près l’un de l’autre & assez jeunes ; cependant, dans le cas où deux pieds d’arbres s’avoisinent, s’il y en a un bon & le second foible, l’on peut employer les méthodes décrites en parlant des Figures 2 & 3, afin de détruire le plus mauvais & conserver le meilleur. Elle est utile pour multiplier & conserver des espèces rares.

Tous les arbres à pépins & à noyaux admettent la greffe en fente ou en poupée ; il faut cependant en excepter quelques-uns, le figuier & le noyer, par exemple ; & cette greffe manque le plus souvent sur le mûrier & sur le pêcher. Si on veut rajeunir un vieux arbre, après l’avoir étêté on le greffe en fente ; s’il est caduc, la greffe poussera pendant quelques années, & l’arbre périra bientôt ; les nouveaux jets seront les derniers efforts de la nature. M. de la Bretonnerie, dans l’Ouvrage déjà cité & que je cite toujours avec plaisir, dit que quelquefois l’on plante des arbres de trois à quatre pouces de tour, & que ces arbres souvent ne poussent pas dans la première année. Si leur écorce est restée verte, il y a encore à espérer : mais dans l’incertitude & se trouvant dans ce cas, il prit le parti de rabaisser de quatre à cinq pouces cette tige à plein vent & de la greffer en fente : le suçcès le plus décidé couronna ses espérances. De cette heureuse tentative, en plantant avant l’hiver de bons pieds sauvageons d’une certaine grosseur, & pourvus d’un assez grand nombre de racines pour assurer leur reprise, on peut conclure que la greffe en fente réussira, si elle est pratiquée à propos, faite & conduite avec les soins requis. Cet avantage est précieux, puisque l’on gagne une année, & chacun aime à jouir.