Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

objet très-important, & qui facilite le choix du jour & des heures propres à l’opération ; 2°. le temps que l’on gagne, puisqu’en greffant de bonne heure, c’est-à-dire, dès que l’écorce se détache, la greffe a le temps de pousser, de darder son jet pendant six ou huit mois, suivant le climat ; 3°. son bois est assez formé pour ne pas craindre les rigueurs de l’hiver, tandis que dans les greffes tardives il se trouve très souvent herbacé lorsque les gelées surviennent, & elles le font périr ou en totalité ou en grande partie ; ce qui paroit rester intact a beaucoup de peine à prendre le dessus dans le cours de l’année suivante. La méthode d’attendre la fin de mai ou de juin pour greffer à la pousse, est abusive. Les pommiers & les poiriers & les arbres à pépins supportent la greffe à la pousse, mais pas aussi bien que les pruniers & les cerisiers.

Les greffes en écusson & à œil dormant, offrent une très-grande ressource lorsque les greffes précédentes ont manqué ; on attend le retour de la seconde sève, & c’est la meilleure saison. Cette greffe convient particulièrement aux pêchers & aux abricotiers, le premier greffé sur lui-même ou sur un amandier, craint la véhémence du retour de cette sève ; il est plus prudent d’attendre qu’elle soit un peu ralentie. En parlant de chaque espèce d’arbres, nous aurons soin d’indiquer l’espèce de greffe qui lui convient le plus.

Un avantage précieux des greffes est le perfectionnement des espèces ; par exemple, pendant plusieurs années consécutives, greffez sur lui-même un bon chrétien d’hiver commun : plus il sera greffé, moins il sera graveleux, & la même opération répétée sur le marronnier d’inde, diminue singulièrement l’âpreté de son fruit ; peut-être parviendroit-on à la lui faire perdre complètement : à chaque greffe il se forme une espèce d’oblitération des canaux, leurs filières sont plus resserrées, & laissent par conséquent monter une sève mieux élaborée ; peut-être encore ce premier levain qui change & modifie la sève du pommier sauvageon, lorsqu’elle passe dans la greffe, de l’api ou de la renette, &c. contribue-t-il plus qu’on ne pense à la pureté ou à la transmutation ou à la perfection de l’essence de cette sève ; en effet, elle éprouve dans les filières de la greffe une entière conversion par son mélange avec le levain ou suc propre de la greffe.

Les greffes facilitent encore le rétablissement de l’équilibre dans les branches. Si un côté de la tête de l’arbre se trouve dégarni, ou s’il ne porte que des branches foibles ou chiffonnes, toute la sève sera attirée par ce côté, & les branches deviendront encore plus maigres ; alors on est libre de choisir, pour prévenir cet inconvénient, une ou deux de ces meilleures branches, & de les greffer, ou en écusson, ou à la pousse, ou à œil dormant. Si les branches sont trop pauvres, on peut greffer les branches bonnes & les plus voisines de la place vide, &c. &c.

L’expérience démontre que les arbres greffés par le pied ne s’élèvent jamais aussi haut que les arbres greffés au sommet de leur tronc. Un simple coup-d’œil sur les sauvageons qui poussent sur les coteaux,