Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/389

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des glaçons augmente & devient plus sensible, à mesure que le nuage le rapproche de la terre ; mais ce n’est plus un nuage, c’est un amas de glaçons, qui par leur chute accélérée, acquièrent une pesanteur considérable, brisent tout ce qu’ils frappent, & détruisent en un instant les récoltes prêtes à être moissonnées. Tout est ruiné : les campagnes désolées n’offrent qu’un spectacle de calamité ; les blés hachés sont couchés dans la poussière, les plantes & les fleurs sont coupées sur leurs tiges ; souvent même les branches des arbres sont mutilées. Le tonnerre redouble, la grêle augmente en grosseur & en abondance ; les bestiaux & leurs gardiens, le malheureux laboureur & le voyageur, surpris par cet orage impétueux, sont mutilés sous les coups redoublés des glaçons énormes qui se précipitent des cieux. De tous côtés, un désastre affreux annonce le passage de ce météore terrible ; & long-temps après qu’il est épuisé, les amas de glaçons qui recouvrent les champs, retardent & arrêtent souvent la fructification des végétaux par un refroidissement subit.

Quelle est la cause de ce funeste fléau ? & l’homme, qui fait actuellement commander au tonnerre, & lui prescrire la route qu’il doit suivre, peut-il avoir l’espoir consolant de le détourner, ou au moins d’en diminuer les effets, en détruisant une partie de l’intensité de la cause ? Il ne seroit peut-être pas aussi téméraire de s’en flatter, qu’on le penseroit : dès l’instant que l’on assignera la vraie cause de ce météore, que l’on en démontrera le principe dans l’électricité actuelle des nuages, qui peut empêcher d’espérer que les paratonnerres, en même temps qu’ils soutireront l’électricité des nuages, détruiront nécessairement une partie de la cause de la grêle ? Arrêtons-nous un instant sur la manière dont elle se forme.

On en a donné différentes explications, qui ont été abandonnées successivement à mesure que la physique a fait des progrès ; nous n’en ferons aucune mention. En 1777, M. de Morveau en proposa une dans le Journal de Physique, qui porte sur trois faits incontestables : les nuages sont électriques, l’électricité hâte l’évaporation, & l’évaporation produit du froid. L’application qu’il en fait à la formation de la grêle, est juste jusqu’à un certain point ; mais il me parut, dans le temps, que la solution du problème de la formation de la grêle n’étoit pas exacte : j’en hasardois une qui rentre en partie dans celle de M. de Morveau, & qui résout tous les phénomènes qui accompagnent ce terrible météore. Je vais la donner ici.

Les nuages sont toujours, & en tout temps, électriques : mais d’où leur vient cette électricité ? comment la conservent-ils ? comment la perdent-ils ? Voilà trois questions qu’il faut nécessairement résoudre avant que de chercher à expliquer la formation de la grêle, parce qu’elles sont la base de cette nouvelle théorie. Il faut consulter ce que nous avons dit des phénomènes électriques au mot Électricité.

1°. Un nuage est un composé de molécules aqueuses extrêmement tenues, qui se sont élevées de la surface de la terre par l’affinité de l’air avec l’eau, par la raréfaction & la chaleur de l’air, par le mouvement