Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/511

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neurs, les layetiers dans la chaîne des Jurats, les horlogers dans les villages de Franche-Comté & de Bugey, y ont appelé des branches de commerce ; pourquoi les habitans des autres montagnes ne se procureroient-ils pas de semblables ressources, analogues aux productions de leur pays ? Il ne faut que l’exemple & on ne sauroit croire jusqu’à quel point s’étend la consommation des sabots faits avec le seul bois de hêtre. Les étrangers se moquent de cette espèce de chaussure des françois ; mais cela n’empêchera jamais qu’elle ne soit la plus chaude & la plus saine de toutes les espèces connues, sur-tout dans les pays humides.

Dans le troisième volume du recueil des Mémoires de la Société économique de Berne, on en trouve un sur le hêtre, qui mérite d’être rapporté en abrégé & qui tiendra lieu de ce que nous pourrions dire. Il est sans nom d’auteurs,

» Le hêtre est employé pour bois de charpente, & dans la bâtisse lorsqu’on ne peut se procurer facilement du chêne ou du sapin, on doit préférer le hêtre rouge à tous les autres. La nécessité oblige donc de prendre soin des forêts de hêtre comme de celles de sapin.

» En éclaircissant la forêt, il convient de conserver les plus belles tiges dans un éloignement convenable, & les émonder soigneusement, parce que le hêtre ne s’émonde pas de lui-même sans risque, comme le sapin ; & lorsqu’une branche vient à être rompue par le vent ou par tel autre accident, ou si on la coupe trop près du tronc, le bois devient vermoulu, la pourriture s’y met & gagne l’arbre. La consommation & la disette du chêne ont fourni aux anglois la première idée de lui substituer le hêtre, & ils trouvèrent le moyen de délivrer ce bois des vers qui le chironnent ».

» Si on destine les forêts de hêtre au bois de chauffage, on doit les mettre en taillis & en coupe réglée. M. Hales dit qu’une forêt dont on ne retireroit par arpent que cinq à six livres par an, rapporteroit tous les douze ans quatre cens cinquante livres, si elle étoit mise en taillis. À cet effet, on coupe les arbres qui sont d’une grosseur raisonnable, à un pied de terre. Les troncs repoussent & forment un halier qui rapporte à la seconde coupe quatre fois plus qu’à la première ».

» On ne peut pas cependant prescrire une époque fixe pour la coupe des taillis ; elle dépend de la nature du sol dans lequel l’arbre croit : s’il est un peu humide, de bon fonds, il végétera infiniment mieux que dans un terrain sec & maigre ; mais dès que la majeure partie du taillis a six ou huit pouces de diamètre, c’est le cas de l’abattre ».

» Le hêtre pousse promptement ; dans les bons fonds il ne dure pas cent ans, & il ne faut pas attendre jusqu’à cette époque pour le couper ».

Propriétés & usages du Hêtre.

« Quand le bois de cet arbre a perdu sa sève, il est excellent pour la charpente ; fait reconnu en Angleterre par les préparations qu’on lui donne & dont on parlera ensuite. Après l’avoir préparé, il est employé à la construction des vaisseaux pour les bordages,