Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/552

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pendant le jour, & avec le geranium triste pendant la nuit. C’est la présence de cet esprit recteur qui donne aux huiles des graines à siliques, & sur-tout à leurs savons, l’odeur de choux, de raves, &c. ; enfin l’odeur de la graine dont l’huile a été exprimée.

Ces distinctions sont essentielles à saisir, mais il en est encore une de grande importance à laquelle tient, selon moi, la conservation de la qualité douce & suave des huiles grasses, c’est-à-dire, celle qui empêche la trop prompte séparation du mucilage, la réaction de l’huile essentielle sur l’huile grasse ; enfin, d’où dépend l’harmonie & la conservation des principes constituans ; c’est l’air, cet air fixe, (voyez ce mot), ou fixé dans tous les corps ; il sert de lien à leurs principes, & il est leur conservateur par excellence. Plus une huile reste coagulée, toutes circonstances égales, moins elle se décompose ; l’huile de ben ou been, l’huile d’olive en sont la preuve ; ce fait est dans l’ordre naturel, puisque, d’après les expériences de M. Hales, un pouce cubique d’huile d’olive donne 88 pouces cubiques d’air fixe. On a beau agiter l’huile d’olive nouvelle & bonne, on ne voit jamais, s’élever sur sa surface, aucune bulle d’air, tandis que, si on agite de la même manière l’huile de pavot, dite d’œillette, la surface est couverte de bulles, d’air. Cette dernière perd donc avec facilité son air de combinaison, aussi il ne fige qu’au plus grand degré de froid. L’huile d’olive tennue bien bouchée, & dans de bonnes caves, (voyez ce mot), se conserve figée pendant plusieurs années de suite. Supposons qu’elle, se soit défigée au degré 10 de chaleur, & qu’elle se soit figée de nouveau lorsque la chaleur aura baissé à quatre degrés, au retour du printemps elle se défigera encore ; mais à l’entrée de l’hiver suivant, il faudra presque le degré de la glace pour la figer de nouveau. Je suppose qu’elle aura été tenue à l’abri des grandes chaleurs de l’été, autrement elle ne se figera qu’au second ou quatrième degré au dessous de la glace. D’où vient cette différence ? De la perte de l’air de combinaison, d’où résulte nécessairement la précipitation du mucilage contenu dans l’huile. Ce mucilage atténué, interposé entre les molécules de l’huile, les mettoit moins à nu ; l’huile étoit plus, douce, & donnoit plus de fumée en brûlant : au contraire, plus une huile vieillit, plus elle devient forte en se dépouillant de son mucilage ; plus elle se clarifie, & moins elle fume en brûlant. Il n’en est pas ainsi de l’huile de faine, (voy. le mot Hêtre), qui acquiert de la qualité, de la douceur, & perd son goût désagréable en vieillissant ; c’est qu’en perdant une partie de son air de combinaison ou air fixe, elle laisse précipiter une partie de son mucilage dans lequel résident ses qualités, désagréables & amères.

J’appelle mucilage tout débris du parenchyme des fruits dont la base diffère peu des gommes ; en un mot, une substance filante, tenace, collante, miscible à l’eau dans toutes ses parties, & indissoluble dans l’huile. Le mucilage est aux huiles ce que les parties constituantes de la lie sont au vin ; c’est-à-dire, qu’il n’est point dissous dans l’huile, mais interposé entre ses molécules, & mnaintenu dans l’état d’atténuation par l’air fixe,