Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/577

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vierge, que l’on mêle ordinairement avec la première. Le travail de cet ouvrier s’étend & finit toujours à ce point, pour recommencer toujours la même opération.

Après la seconde pressée, il remet le marc à un second ouvrier qui a ses pilons, les mortiers, son pressoir, & de plus, un petit fourneau surmonté d’une chaudière peu profonde, & de trois à quatre pieds de diamètre ; on la nomme payelle. Le marc moulu & pressé deux fois, est remis sous les pilons, ainsi qu’il a été dit. Retiré de la presse, on le jette dans la payelle, après l’avoir émietté, & on y ajoute un peu d’eau. Le feu du fourneau échauffe la pâte ; mais comme il pourroit la torréfier & la brûler dans le fond, il y a une barre de fer soutenue dans son milieu par un long manche, mis en action par l’arbre qui communique le mouvement général à toutes les pièces ; cette barre tourne sur elle-même, & sur le fond de la payelle, de manière que la pâte s’échauffe sans cesser d’être en mouvement. Ce petit mécanisme dispense d’un ouvrier, puisqu’il en faudroit nécessairement un pour remuer la pâte, & l’empêcher de se brûler. On retire la pâte de la payelle, on la met dans les sacs, on la presse, &c. Enfin, l’huile est si bien exprimée, que le tourteau qu’on en sort est dur comme une pierre, & qu’on peut le manier sans craindre de se salir les doigts. Je ne crois pas que les moulins de recensse fissent fortune avec de pareils marcs, & l’on peut dire que les hollandois en ont tiré jusqu’à la quintessence, suivant la nature de la graine. Voilà quatre espèces d’huile de qualité différente ; la dernière sur-tout est réservée pour la peinture. J’ai fait construire en petit, & dans les plus exactes proportions le moulin hollandois ; toutes les pièces jouent avec facilité ; j’offre de prêter ce modèle à ceux qui seront dans l’intention d’en construire un semblable. Si j’avois de l’eau à ma disposition, il y a long-temps que j’en aurois un.

II. Manière des Flamands. Leurs moulins sont en général mus par le vent, & ils pourroient l’être par l’eau. C’est le même mécanisme que celui des hollandois, à l’exception qu’ils n’ont point de meules, mais seulement un pressoir & des pilons. On met tout uniment la graine dans les mortiers ; l’opération de la presse est la même, ainsi que le reste ; mais on retire plus des trois quarts d’huile échaudée. Si on compare les tourteaux des fabriques hollandoises avec ceux des fabriques flamandes, on verra que ceux-ci sont gras, onctueux au toucher, & que, si la dureté, par exemple, est comme dix, celle des tourteaux hollandois l’est comme trente. Je n’exagère point, je parle de ce que j’ai vu, & de ce que j’ai vu avec le plus grand soin.

J’ignore si, dans le reste du Royaume, excepté dans nos provinces du Nord, on fabrique des huiles de graines ; mais ce que je sais très-positivement, c’est que les hollandois achètent nos graines de lin dans nos provinces maritimes du midi & du couchant, & qu’ils viennent ensuite nous revendre l’huile de nos graines. Cet objet n’est pas d’aussi petite conséquence qu’on pourroit se l’imaginer, & mérite que le gouvernement encourage en