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article, que de se faire entendre du commun des lecteurs, peu familiarisés avec les termes de chimie, & qu’on ne peut guère suppléer par d’autres. Je pense que ce que j’ai dit les mettra un peu sur la voie, & j’aime mieux, en quelque façon, me répéter dans ce que je vais dire, afin de renouveler & de fixer les idées.

Pour bien démontrer les moyens d’empêcher ou de retarder la rancidité d’une huile, il faut examiner les phénomènes de la rancidité dans différentes classes d’huiles, en différens degrés de rancidité, & les causes qui y concourent ; c’est poutquoi il faut absolument entrer dans quelques détails préliminaires & nécessaires à ce sujet.

La rancidité est un genre d’altération spontanée, ou de fermentation indéfinie, comme tant d’autres classes d’altération, telle que la pousse dans les vins, le pourri dans les fruits, le corrompu dans les viandes, la vapeur des latrines, le gas & les moffettes de différens genres, le principe âcre du beurre fondu, &c. &c., & tant d’autres qu’on n’a pu encore analyser ni bien définir.

Il est cependant certain que la rancidité est un genre de corrosivité & d’âcreté propre aux graisses, beurre, lard & huiles, survenue à ces substances par la vétusté ou par l’action appliquée de la chaleur. Il ne faut pas croire que cette altération métamorphose l’huile grasse à un tel point qu’on n’y reconnoisse plus le goût du mucilage. Les huiles grasses, même très-rances, ont toujours un goût plat & fade très-dominant ; elles ont une odeur forte, désagréable & même indéfinissable.

Elles irritent la gorge à la manière des huiles essentielles, mais faiblement. Leur goût mucilagineux & leur odeur fastidieuse percent toujours.

On observe que les huiles de graines, vierges & récentes, sont plus grasses que celles qui sont gardées ; que battues dans l’eau, elles donnent plus de mucilage qui se dissout en partie dans l’eau quand on l’y agite ; mais elles en donnent moins quand on les agite sur leur dépôt.

Le mucilage étant le seul corps fermentatif ; si on l’éloigne de l’huile au bas de laquelle il est rassemblé en masse, on éloigne donc une cause d’altération ; c’est sur ce principe qu’est établie la nécessité de laisser déposer les huiles nouvelles, & de les soutirer. Cependant ce n’est pas la perte de ce premier mucilage qui altère sensiblement l’huile, puisqu’il est seulement surabondant ; mais il la rend louche & très-grasse, & les vers peuvent s’y engendrer.

Ces huiles contiennent une très-grande quantité d’air libre (sur-tout celle des graines) & d’eau, principes, c’est-à-dire, un air combiné avec les autres principes constitutifs de l’huile. Tous ces principes ont une adhésion lâche entr’eux, parce que ces huiles sont des agrégats surcomposés, & présentent trop de prise à l’action des différens agens qui tendent à les désunir. Dans un corps composé & surcomposé, lorsqu’un des mixtes constitutifs vient à manquer ou à être en moindre quantité, les autres mixtes restans changent de façon d’être, & d’une manière plus ou moins marquée.

Lorsque la chaleur, soit naturelle,