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IRRIGATION. (V. Pl. XXVIII, p. 695). C’est arroser un jardin, un champ, une prairie, par le moyen d’un courant d’eau ; c’est en quoi cette opération diffère de l’arrosement, pour lequel on se sert de vases appelés Arrosoirs. (Voyez ces mots).

L’irrigation suppose deux choses : la facilité de se procurer beaucoup d’eau, & un certain niveau de pente sur l’endroit qui doit être arrosé.

1°. De l’eau. Il ne s’agit pas ici de sa qualité, (voyez ce qui a été dit au mot Arrosement), mais de sa quantité. On se procure l’eau ou par une rivière, un ruisseau dont on détourne une partie, ou le tout, suivant le besoin. Le grand point est que l’eau ne manque jamais. Au défaut de l’un ou de l’autre, on se sert d’une source abondante, ou d’un puits.

Comme l’eau des ruisseaux ou des rivières est à peu de chose près à la température de l’atmosphère, on peut l’employer telle qu’elle est pour arroser. Il n’en est pas ainsi de l’eau de source ou de puits : son degré de chaleur n’est ordinairement que de douze degrés, tandis que celui de l’atmosphère, pendant l’été, & dans les provinces un peu méridionales du royaume, est de 22 à 24, à 16. Cette différence dans les degrés de chaleur abîme les plantes qu’on arrose. (Relisez l’article Arrosement ; il est essentiel).

Il est très-rare que l’eau d’une source soit assez abondante pour arroser par irrigation, & jamais celle tirée d’un puits ordinaire ou par une pompe, ne sera suffisante. La nécessité oblige donc à pratiquer un vaste réservoir construit en terre argileuse bien corroyée, ou en maçonnerie, derrière laquelle on tasse une couche d’argile de 15 à 18 pouces d’épaisseur. Bâtir en béton, (voyez ce mot), est la manière la plus sûre, & la plus économique. Un réservoir de 36 pieds de longueur, de 12 de largeur, & de 6 de profondeur suffit pour l’irrigation d’un jardin de 10 à 20 arpens, c’est-à-dire, que l’eau y séjourne assez long-temps pour s’échauffer, parce qu’à mesure qu’on le vide par en bas, il se remplit de nouvelle eau, soit de source, soit de puits, & la masse reste toujours à peu près la même. Si les proportions du bassin sont plus étendues, ce sera encore mieux ; mille circonstances prouveront l’avantage d’un vaste bassin ou réservoir. Sa base doit nécessairement être au-dessus de la partie la plus élevée du jardin ou de la pièce à arroser, afin qu’en ouvrant un robinet, l’eau se distribue par-tout où le besoin l’exige.

J’ai dit qu’il falloit une quantité d’eau assez considérable à la fois ; j’ajoute qu’elle doit courir dans les sillons comme un petit ruisseau ; car si elle est en petite quantité, elle s’emboira toute avant d’arriver au bout du sillon, & si elle y arrive, ce sera après un très-long espace de temps. Le point essentiel est qu’un seul homme puisse, dans un jour, arroser six à sept arpens de jardinage.

On tenteroit vainement dans les provinces méridionales, d’arroser avec des arrosoirs. Quarante hommes occupés du matin jusqu’au soir, n’y feroient pas l’ouvrage d’un seul, & tout leur travail seroit à recommencer le lendemain, à cause de la chaleur & de l’évaporation, tandis que l’irrigation tient la terre suffisamment humectée pour trois ou quatre jours.