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nuit toutes les fois que le temps est couvert.

Les oignons demeurent ainsi jusqu’au temps de la plantation, c’est seulement alors qu’on les nettoie de la terre qui y est restée, qu’on en sépare les cayeux, & qu’en examinant l’état de chaque oignon, on lui destine, dans la layette, une place convenable à l’effet qu’il devra produire dans la planche, une autre méthode pour lever & conserver les oignons, consiste à les lever par un beau jour, couper la fane tout contre l’oignon, si elle ne s’en détache pas d’elle-même ; ne frotter, manier, ni nettoyer l’oignon, mais le remettre aussitôt sur le côté, la pointe dirigée vers le nord, dans le même endroit, presqu’à fleur de terre, après avoir rempli le trou & égalisé le terrain ; puis avec la terre qui se trouve auprès de l’oignon, le couvrir de toutes parts en forme de taupinière épaisse d’un pouce. Si le temps est au sec, il faut visiter la terre tous les jours, examiner si elle n’est point descendue & si l’oignon n’est pas à découvert ; car le soleil occasionneroit, durant les premiers jours, une fermentation violente dans les sucs dont l’oignon est rempli, & sa perte seroit certaine. C’est pourquoi il est même avantageux de couvrir les taupinières, seulement pendant les deux ou trois heures où le soleil est plus fort ; elles ne seroient pas couvertes le reste du jour, sans produire une moisissure très-difficile à détruire, & qui altère toujours la fraîcheur & la beauté de l’oignon. On laisse ordinairement les oignons ainsi enterrés l’espace de trois semaines, ou un mois, après quoi on leur trouve la peau unie, saine, rougi ; brillante, & presque aussi dure & sèche que celle de la tulipe ; en les levant alors tout-à-fait, on les nettoie, on les garde dix ou douze jours dans la chambre, comme il a été dit ci-dessas ; puis on peut sans risque les transporter où l’on veut, & les tenir empaquetés & privés d’air pendant cinq à six mois ; ce qui seroit impraticable, si l’oignon n’avoit pas été ainsi mûri, & ses sucs digérés & perfectionnés par l’action de la pluie ou du soleil sur la terre qui les touchoit de toute part. Suivant M. Van-Zompel, il faut attendre à exécuter cette opération, que le plus grand nombre des jacinthes ayent la fane jaune, & ne point imiter la précipitation de ceux qui lèvent les oignons dès que les pointes de leur fane annoncent que sa croissance va se ralentir. Ce cultivateur avertit qu’en empêchant l’oignon de croître davantage, on a presque toujours le chagrin de voir qu’il ne devient ensuite ni mûr ni ferme, & qu’il s’y forme un moisi vert, qui pénétrant l’intérieur, & jusqu’à la couronne des racines, le fait gâter, malgré tous les soins de cette méthode laborieuse & assujettissante.

Au reste, cette économie n’est pas sans inconvénient, lors même qu’on l’a observée avec le plus d’exactitude. Il y a, par exemple, des années où les mois de juin, de juillet & août sont fort chauds, & s’il y survient de la pluie, la surface de la terre entre en fermentation ; les oignons s’y cuisent, deviennent infects, & sont morts lorsqu’on les lève : on prévient, néanmoins cet accident, si