Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

printemps & l’été, avant de semer ce champ, la combineront encore mieux avec la terre matrice. Cependant on ne doit pas s’attendre que la première, & même la seconde récolte seront belles, ses bons effets ne se manifestent qu’à la longue, & lorsque les principes salins, terreux & aëriformes se sont combinés avec les parties graisseuses contenues dans la terre, & sont parvenues à former la matière savonneuse de la sève.

Cette combinaison est bien plus prompte & plus active dans les prairies marnées, parce que la partie graisseuse, végétale. & animale y est en plus grande quantité que dans les champs à bled. Les insectes, & autres animaux, sont toujours en proportion de la quantité de plantes nourries sur un sol : il en est ainsi des débris des végétaux. Tel est l’avantage des prairies naturelles ou artificielles ; au lieu que dans les champs à blé on retire toujours des récoltes qui diminuent peu-à-peu l’humus ou terre végétale ; enfin, on les épuise par des récoltes successives, tandis que si on alternoit ces mêmes champs il n’y auroit aucun épuisement, (Voyez le mot Alterner) & au contraire le fonds seroit bonifié d’une année à l’autre ; ce qui est prouvé par l’expérience.

Ce qui vient d’être dit prouve que l’on peut accélérer l’effet de la marne, en imitant la nature, c’est-à-dire en hâtant les combinaisons de la marne avec les matières animales & graisseuses.

À cet effet on rassemble dans la cour à fumier la quantité de marne qu’on juge nécessaire, & on l’amoncela dans un coin de cette cour. À mesure qu’une partie se délite à l’air, on en fait un lit sur une couche de fumier, & ainsi successivement, à mesure que la marne se délite. Si la pluie tombe sur le monceau de marne, on ouvre tout-autour une tranchée, & elle est prolongée jusqu’au creux à fumier, afin d’y conduire les eaux chargées de la marne qu’elles ont dissoute ; par ce moyen rien n’est perdu. Le fumier ainsi préparé, doit être arrosé de temps en temps, pendant les chaleurs de l’été, si les pluies sont rares dans le canton, & si la chaleur y est vive. En Flandres, en Picardie, par exemple, où les fumiers nagent toujours dans une grande masse d’eau, ces arrosemens sont inutiles ; mais cette quantité d’eau, comme je l’ai déjà dit dans cet ouvrage, s’oppose à la fermentation & à la bonne décomposition des pailles. Sans fermentation point de décomposition, sans décomposition point de recombinaison, d’appropriations de principes, or la trop grande quantité d’eau s’y oppose : il en est de même si le fumier est trop sec. Les couches de marne sur celles du fumier, doivent avoir peu d’épaisseur, & il vaudroit même mieux mêler intimement la marne avec le fumier, la décomposition & la recomposition seroit plus prompte. Ce fumier, ainsi préparé, doit être porté sur le champ, & enterré avant l’hiver, par un bon labour croisé.

Si les fumiers sont rares, il est possible de les suppléer par un mélange de terre franche avec la marne ; on amoncèle ces matières après les avoir bien mélangées, on place le tout dans un coin, & on recouvre la patrie supérieure avec de la paille, afin que les eaux pluviales n’entraînent pas le sel de nitre qui ne tarde pas à se former sur toute la superficie. Une