Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/507

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sur le pistil de la fleur femelle, & la féconder. Mais si cette poussière est portée sur une fleur femelle d’une espèce de melon différente, qui se trouve dans le voisinage, il est donc clair qu’il y aura une fécondation hybride, (voyez ce mot) de laquelle il résultera un fruit qui participera des qualités du père & de la mère. On en sèmera la graine sans s’être douté de cette alliance, & on sera bien étonné ensuite de recueillir un fruit différent de celui sur lequel on avoit récolté la graine. Que d’exemples sans nombre il seroit facile de citer en ce genre ! & combien de fois les abeilles, qui vont butinant d’une fleur à l’autre, n’ont-elles pas porté très-loin les étamines attachées à leurs pattes ! De-là cette fécondité hybride, & qui étonne toujours, lorsque l’on ne remonte pas à son origine. Il est donc probable, & plus que probable, en admettant cent espèces de melons cultivées en France, que le nombre sera doublé, si on le veut, & en moins de dix ans. Il suffira de mélanger les pieds, ou de procurer des hybridicités par la méthode indiquée au mot Abricotier… Si, dans le voisinage d’une melonnière, des concombres, des courges végètent, on trouvera souvent sur le même pied un melon excellent & naturel, & un autre melon, dont la saveur participera, ou du concombre, ou de la courge. D’où peut donc provenir cette singulière différence dans la saveur ? Le sol, l’exposition, la culture sont les mêmes : il y a donc une cause étrangère, c’est l’hybridicité : c’est un point de fait que j’ai observé cent & cent fois. Il faut donc conclure, 1°. que tout pied de melon doit être éloigné des concombres & des courges ; 2°. que chaque espèce doit être placée dans un endroit séparé, si on veut la conserver franche. La culture des melons dans les pays froids, où l’on se sert de couches, de cloches, &c., rend ces conclusions un peu moins précises ; mais elles sont de rigueur pour les climats où on les cultive en pleine terre, sans autre secours que ceux de la nature.

La nomenclature des melons varie non-seulement d’une province à l’autre, mais encore de deux en deux lieues, & souvent on ne les connoît que par le nom du lieu d’où on a tiré de la graine. Il n’est donc pas possible de dire rien de positif à ce sujet. Dans les environs de Paris, au contraire, la nomenclature est réglée jusqu’à un certain point ; c’est pourquoi il convient de la suivre. Si les amateurs, dans les provinces, y trouvent des dénominations qui leur soient inconnues, il leur est possible de se procurer chez le grainetier, à Paris, les espèces qu’ils désirent. Il ne faut pas croire être bien riche en melons, parce qu’on en a un grand nombre d’espèces ; il vaut beaucoup mieux choisir dans le nombre celles qui réussissent le mieux dans le pays, & dans le terrein qu’on cultive. On observe en effet que plusieurs réussissent mieux dans tel canton que dans tel autre ; cependant, plus on approche du midi, soit par sa position géographique, ou par sa position locale, qui dépend des abris, (voyez le mot Agriculture, Chap. 2 & 3) & plus on peut espérer être dans le cas de cultiver un grand nombre de bonnes espèces. Les meilleurs melons de France ne sont pas à comparer aux melons, même médiocres en qualité, de l’Amérique, d’où l’on