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Cours d’agriculture (Rozier)/ABRICOT, ABRICOTIER

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome premierp. 185-202).


ABRICOT, ABRICOTIER.


Plan du Travail sur l’Abricotier.


Chap. I. Description du genre.
Chap. II. Description des espèces.
Chap. III. Des semis, greffes & soins que demande l’abricotier dans la pépinière.


CHAPITRE PREMIER.


Les premiers plants furent apportés d’Arménie en Grèce, d’où ils passèrent en Italie, & successivement dans le reste de l’Europe. Quel est le vrai pays natal de cet arbre ? On l’ignore ; on peut cependant soupçonner qu’il vient des régions septentrionales de l’Asie, puisqu’on a découvert une espèce d’abricotier en Sibérie, avec laquelle il a beaucoup de rapport. Malgré cette ressemblance, il répugne à penser que l’abricotier de Sibérie soit le type de celui d’Arménie. Cet arbre craindroit moins le froid dans nos climats, froid qu’on ne sauroit comparer à celui de ce pays. Pour ne pas faire ici des répétitions inutiles, voyez au mot Espèce en quoi consiste la différence de l’espèce connue pour telle par les botanistes, & qu’on doit appeler espèce de Botaniste, & l’espèce regardée comme telle par les jardiniers, que nous désignerons sous le nom d’espèce jardinière. Au mot Espèce, on examinera comment elle se perfectionne ou dégénère. La culture a donné à l’abricotier une nouvelle manière d’être, que l’on appelle plus perfectionnée, parce qu’elle est plus conforme à nos besoins : enfin, les soins assidus du cultivateur ont multiplié les variétés. Souvent la nature elle seule les a produites par l’union de la poussière fécondante de la fleur d’une espèce avec la partie femelle de la fleur d’une autre espèce. De ce mélange, il en est résulté une variété hibride ou adultérine, c’est-à-dire, qui tient des deux individus ; comme de l’union d’un homme blanc avec une négresse, il en provient un individu qui n’est complettement ni blanc ni noir, mais qui tient de tous les deux. Nous en citerons plusieurs exemples en décrivant les espèces d’abricots cultivés dans les jardins.

Avant de passer à ces descriptions, il est essentiel de prévenir, pour éviter la confusion, que nous parlerons le langage des jardiniers & des cultivateurs, & non pas celui du botaniste. Ainsi l’abricotier sera considéré comme un genre, & ses variétés permanentes comme des espèces. Cette manière de présenter les objets est plus à la portée des lecteurs.


Description du Genre.


Tournefort, le restaurateur de la botanique en France, place l’abricotier dans la classe des arbres à fleurs en rose, & il en fait un genre sous la dénomination d’armeniaca fructu majori. Le Chevalier Von Linné, le patriarche de l’histoire naturelle du nord, le confond dans le genre du prunier, & en fait une espèce. Il l’appelle prunus armeniaca, & le place dans la classe de l’icosandrie monogynie, c’est-à-dire, fleur à vingt mâles portés sur le calice, & une femelle[1]. Il est inutile de discuter ici si l’abricotier dérive du prunier, ou si c’est un être à part ; ce seroit s’écarter du plan proposé dans cet Ouvrage, qui doit être plutôt un livre classique qu’un livre de botanique. Cependant nous emprunterons de cette science ses descriptions, ses observations, & tout ce qui tend à la pratique. Elle a un langage particulier, clair, précis, caractéristique, un peu sec, il est vrai ; & la clarté de son laconisme vaut mieux que les périphrases, parce que chaque mot présente une idée. Pour bien entendre les mots techniques, cherchez-en l’explication dans ce Dictionnaire, chacun à leur article.

Fleur en rose, à cinq pétales, & plus souvent à six, obronds, concaves, attachés au calice par leur onglet. Le calice est d’une seule pièce en forme de cloche, coriace ; son sommet est divisé en cinq parties obtuses & concaves. La base du calice est ordinairement recouverte de deux rangs de folioles. Les étamines, au nombre de vingt à vingt-cinq, presque de la longueur des pétales, implantées sur le calice. Le pistil, ou partie femelle, est de la longueur des étamines ; il est unique ; son stigmate est arrondi & un peu échancré.

Fruit, nommé abricot, charnu, pulpeux, plus ou moins rond, plus ou moins long, ainsi que son noyau, dont l’amande est douce ou amère, suivant les espèces que l’on décrira.

Feuilles, simples, presque en forme de cœur, alongées en pointe à leur extrémité supérieure, garnies dans leurs contours de dentelures plus ou moins aiguës, suivant les espèces. Elles sont d’un beau verd, luisantes, portées par de longs pétioles, & subsistent jusqu’aux premières gelées. Elles acquièrent alors une couleur tirant sur le jaune-paille, & elles ont quelquefois à cette époque la couleur incarnat. Cette métamorphose dans la couleur annonce leur état de langueur & le moment de leur chûte. Comme cet arbre n’est pas naturel à nos climats, les premières rosées blanches & les pluies froides de la fin de l’automne, lui font perdre ses feuilles, & l’arbre, qui quelquefois étoit très-verd deux jours auparavant, se trouve aussi dépouillé qu’au gros de l’hiver. Les nervures des feuilles sont alternes dans toutes les espèces, ainsi que leurs ramifications ; elles sont souvent d’une couleur différente de celle de la feuille.

Racines, recouvertes d’une écorce brune, ligneuses, rameuses, rougeâtres, rarement pivotantes, à moins que l’arbre ne soit venu de noyau, & n’ait pas été transplanté.

Port. L’écorce des tiges de l’année, & en été, est d’un verd rougeâtre ; elle brunit en automne, & est tiquetée de petits points bruns : l’écorce du tronc est brune & écailleuse, ainsi que celle des branches de trois ans. Les fleurs naissent sur des péduncules si courts, que le fruit touche à la branche, & dans quelques espèces les fleurs sont presque en bouquets, très-près les unes des autres.

Propriétés. Le fruit est doux, sucré, d’une odeur agréable & exaltée dans les provinces méridionales du royaume. Sa chair est nourrissante, un peu indigeste, calme la sécheresse de l’arrière-bouche, tempère la soif, fournit beaucoup d’air lorsqu’il est soumis aux organes de la digestion, cause souvent des coliques venteuses, & il est inutile de l’employer dans aucune maladie.

Usages. L’amande fraîche sert pour les émulsions ; l’amère & la douce fournissent également par l’expression une huile douce qu’on peut substituer à celle d’amande, & employer dans les mêmes cas où celle-ci est prescrite.


CHAPITRE II.

Description des espèces, suivant l’ordre de leur maturité.


Abricot précoce ou Abricot musqué. (Voyez Planche 3.) Nous nous servirons de la phrase botanique par laquelle M. Duhamel a caractérisé cette espèce. Aucun auteur n’a observé avec autant d’exactitude les fleurs & les fruits des arbres cultivés dans les jardins ; de sorte qu’aujourd’hui, il ne reste plus qu’à glaner après lui, & même à copier ce qu’il a dit. Son Traité des Arbres fruitiers est un chef-d’œuvre, & les gravures sont supérieurement exécutées. Cet hommage, rendu avec plaisir & reconnoissance à la gloire & au travail de cet académicien, nous désignerons avec lui l’abricot précoce par cette phrase : Armeniaca fructu parvo, rotundo, partim subro, partim flavo, præcoci.

Fleur, épanouie forme une rose à cinq pétales ou feuilles arrondies par leur sommet, & sans échancrure ; le nombre des étamines de vingt à vingt-cinq, & alongées presque jusques sur le bord des pétales.

Fruit, un peu aplati dans ses deux extrémités, & arrondi dans son diamètre. Une rainure bien caractérisée règne depuis l’ombilic jusqu’au péduncule ou queue, qui s’implante dans une cavité formée par la prolongation de la rainure. La peau qui recouvre le fruit du côté exposé au soleil est rougeâtre, & d’un beau jaune doré du côté de l’ombre. La couleur de la chair ou substance pulpeuse est d’un jaune blanchâtre. Le noyau est renflé du côté de l’arête. Son épaisseur égale sa hauteur, & il est un peu plus long que large. Son amande est amère.

Feuilles, d’un beau verd foncé, renflées dans leur circonférence, alongées à l’extrémité, inégalement dentelées dans leur contour, & les dentelures peu profondes. Elles sont portées par un pétiole, communément d’un tiers de la longueur de la feuille. Son côté exposé au soleil est d’un rouge foncé. Le pétiole s’épanouit dans la feuille, & se subdivise en un grand nombre de ramifications alternes. Chaque feuille, à son insertion avec la branche, recouvre un bouton qui donnera l’année suivante ou du fruit ou du bois, suivant sa nature. La feuille est pour ainsi dire la nourrice, la tutrice de ce bouton. Si on arrache la feuille avec son pétiole avant le tems que la nature a prescrit pour sa chute, le bouton périt. Il en est ainsi presque pour tous les arbres.

Bourgeons, la couleur est rougeâtre du côté du soleil, & verte du côté opposé.

Boutons, gros, alongés, ordinairement au nombre de trois le long des jeunes branches.

Proportions de l’arbre. On ne peut ici prescrire pour les abricotiers, ainsi que pour tous les arbres potagers, aucunes proportions exactes ; elles varient suivant le climat, l’exposition & le terrain. Ces arbres sont aujourd’hui trop éloignés de leur type, & la main de l’homme l’a prodigieusement changé : il n’y a aucune comparaison à faire entre l’arbre auquel on n’a pas coupé le pivot, & celui dont le pivot & les racines ont été mutilés par le jardinier pour le replanter. L’abricotier musqué à plein vent s’élève de 15 à 20 pieds, & son tronc a souvent plus de 15 pouces de diamètre.

Maturité. Cet abricot est mûr dans les environs de Paris au commencement de Juillet ; presqu’au milieu de Juin, dans la Bourgogne, le Nivernois, le pays d’Aunis, & enfin au commencement de Juin dans la Basse Provence & le Bas-Languedoc. On peut compter sur trois semaines de différence de Marseille à Paris.

Qualité. En total c’est un très-mauvais fruit dans les provinces septentrionales, assez aqueux ; & je ne sais trop pourquoi on l’appelle musqué à Paris ; il l’est un peu au midi du royaume : être précoce est son seul mérite.

Cet abricot se reproduit par ses noyaux, & donne plusieurs variétés aussi bonnes que lui. On peut ne pas le greffer.

L’abricot hâtif ou précoce, qui vient d’être décrit, a produit une variété aujourd’hui constante & durable. Quelques auteurs la regardent comme une espèce.


Abricot blanc, très-improprement appellé abricot-pêche. Armeniaca fructu parvo, rotundo, albido, præcoci. Duhamel. Voici en quoi il diffère du précédent. 1o. La peau du fruit est recouverte d’un duvet fin ; le côté exposé au soleil est légérement coloré en rouge-brun, & le côté opposé est de couleur de cire blanchâtre. 2o. La chair est blanche du côté de l’ombre, & du côté vivifié par le soleil, la chair est moins colorée que la peau : la chair de ce fruit est fine. 3o. Les feuilles moins grandes, moins profondément dentelées.

Cet arbre se charge de beaucoup de fruits ; il exige plus de chaleur pour leur maturité. Lorsqu’on le mange, on croit sentir un petit goût de pêche ; & en effet, il est assez marqué dans les provinces méridionales. On doit regarder ce fruit comme une variété hibride. (Voyez ce mot) Ces jeux de la nature ne sont pas rares, & nous aurons souvent occasion d’en parler dans le cours de cet Ouvrage. Cet abricotier se greffe sur prunier de damas noir ; il reprend encore mieux sur prunier de Virginie. Ses écussons sont très-difficiles à enlever : on peut encore l’élever de noyaux ; ce qui est bien plus simple.


Abricot-Angoumois. Armeniaca fructu parvo, oblongo, nucleo dulci. Duhamel. (Voyez Planc. 3, p. 187.)

Fleur, à cinq pétales un peu concaves à leur extrémité supérieure : l’onglet qui les réunit au calice, plus alongé que dans les autres espèces d’abricots ; les étamines portées par des filets déliés : à la base de ces filets, on voit souvent dans les pays chauds une substance jaunâtre, visqueuse, douce, sucrée & un peu âpre ; c’est du vrai miel, & cette espèce en fournit plus que les autres.

Fruit, plus petit que les abricots précédens, & plus alongé. Sa partie supérieure est légérement aplatie, & vers son milieu commence une rainure qui se termine à la partie opposée, c’est-à-dire, à l’insertion du péduncule, dans une cavité profonde & serrée. La partie de la peau exposée au soleil est d’un beau rouge vineux & foncé, parsemée de points d’un rouge brun ; le côté opposé est d’un jaune rougeâtre. Sa chair est d’un jaune presque rouge des deux côtés ; la longueur & la largeur de son noyau sont presque égales ; son épaisseur est ordinairement des deux tiers de sa longueur, & quelquefois il est aussi épais que long ; alors il contient deux amandes, & cela arrive souvent. Voici une singularité de ce noyau, à laquelle aucun auteur n’a fait attention. Sur le dos du noyau & à ses deux extrémités, on voit un petit trou, par où passe une nervure qui se confond avec la chair du fruit. Si on présente à l’une ou à l’autre de ces deux ouvertures un crin, & qu’on le pousse en avant, le noyau se trouve enfilé comme un grain de chapelet, & enfilé par le côté. Son amande est douce, agréable à manger, & son goût approche de celui de la noisette. La peau qui la recouvre n’a presque point d’amertume. Les noyaux à amandes douces sont plus ronds, plus ramassés que ceux à amandes amères.

Feuilles, alongées par les deux extrémités, profondément & finement dentelées en manière de scie ; soutenues par des pétioles à-peu-près de la moitié de la longueur de la feuille. Au bas du pétiole, on remarque assez communément deux appendices ou oreillettes.

Bourgeons, menus, très-longs, bruns, lisses, brillans lorsque la sève commence à monter. Les bourgeons, c’est-à-dire les jeunes pousses de l’année précédente, acquièrent la couleur rouge très-vive, & deviennent verds quand les boutons s’épanouissent.

Boutons, gros, ovales, triples dans toute l’étendue du bourgeon.

Maturité, au commencement de Juillet, au midi de la France ; & vers le milieu de ce mois au nord.

Qualité. Sa chair est fondante, son goût agréable, vineux, légérement acide. Son odeur est forte, & se répand au loin. Cet abricot est excellent.

L’espalier lui convient très-peu ; il aime le grand air, se plaît sur les côteaux calcaires ; & dans les provinces où cet abricot est commun, comme le Bordelois, l’Angoumois, le Lionnois, le Dauphiné, &c. on le préfère à toutes les autres espèces que l’on y trouve fades & peu odorantes, en comparaison.


Abricot commun. (Voyez Pl. 3, p. 187) Armeniaca fructu majori, nucleo amaro. Tournefort.

Fleur ; les pétales moins arrondis que dans l’abricot précoce, assez souvent légérement échancrés & alongés à leur sommet ; les divisions du calice repliées & recourbées sur elles-mêmes, au nombre de quatre, & plus souvent de cinq ; les fleurs alternes, mais rapprochées.

Fruit ; c’est le plus gros des abricots, après l’abricot-pêche. Son diamètre est ordinairement égal à sa hauteur, sur-tout si l’arbre est à plein vent. Sa forme varie singuliérement lorsque l’arbre est asservi aux entraves de l’espalier : alors le fruit est souvent alongé, aplati sur les côtés & dans la ligne ou rainure qui part de l’ombilic, pour se terminer au péduncule ; on voit un des côtés renflé & beaucoup plus saillant que l’autre. Ce fruit se colore peu, si on n’a pas l’attention d’enlever les feuilles qui le recouvrent. Sa peau est souvent raboteuse, & semble être galeuse. Ces gales ou excroissances sont occasionnées par quelques goutelettes d’eau ou de rosée auxquelles le soleil a communiqué trop de chaleur, & qui ont fait l’office de loupe ; de là l’ulcération de la peau. On ne voit aucune gale du côté de l’ombre, ni sur les fruits recouverts par les feuilles. La chair se colore d’un jaune ambré du côté frappé des rayons du soleil. La largeur du noyau égale presque sa longueur, & son épaisseur est de la moitié de sa longueur ; il est pointu par un bout, & comme tronqué par l’inférieur. On le détache très-nettement de la chair, à l’exception de la partie des arêtes qui répond à la rainure du fruit. On y distingue trois arêtes bien prononcées.

Feuilles, d’un beau verd, grandes, plus larges que longues, un peu en demi-cercle à leur insertion au pétiole, alongées & pointues à leur sommet ; leur circonférence dentelée profondément en manière de scie ; les pétioles très-alongés.

Bourgeons, bien nourris, forts & vigoureux, rouges du côté du soleil & verds du côté opposé.

Boutons, longs, pointus, souvent au nombre de quatre & même de cinq à chaque nœud.

Proportions. Cet arbre passe pour être le plus grand & le plus fort des abricotiers. Cette proposition est vraie pour les environs de Paris & pour les provinces du nord : dans celles du midi & aux expositions où se plaît l’abricot angoumois, celui-ci le dispute à tous pour la force & pour la grandeur.

Maturité, à-peu-près aux mêmes époques que les précédens.

Qualité, ainsi que pour tous les abricotiers, relative à l’exposition & au climat. Le mérite de cet arbre est de charger beaucoup, c’est-à-dire, de produire un grand nombre de fruits. En total, sa chair est pâteuse, peu aromatisée, surtout dans le nord du royaume.


Abricot de Provence. Armeniaca fructu parvo, compresso, nucleo dulci. Duhamel.

Fleur, moins grande que dans l’abricot angoumois, & semblable pour tout le reste.

Fruit, ordinairement comme celui angoumois. Il en diffère par sa rainure profonde & par une côte plus saillante d’un côté que d’un autre ; il est aplati. Sa peau est d’un rouge vif du côté du soleil, & jaune du côté de l’ombre. Sa chair est d’un jaune très-foncé : son noyau brun, raboteux, sa base ordinairement marquée de trois crenelures : son amande est douce.

Feuilles, plus petites que celles de l’abricot angoumois, rondes, terminées par une pointe assez large, repliée en dehors ; la circonférence doublement dentelée & les dentelures peu profondes.

Bourgeons, longs, très-lisses, d’un rouge vif & clair du côté du soleil, verds du côté de l’ombre.

Boutons, gros, pointus & souvent grouppés jusqu’à huit sur le même nœud.

Maturité. L’arbre s’élève comme celui d’angoumois. Le fruit mûrit au commencement de Juillet au midi, & à la mi-Juillet au nord du royaume. Le plein-vent est plus tardif de quelques jours.

Qualité ; sa chair plus sèche que celle de l’angoumois : il est plus doux que lui & également vineux ; sa partie aromatique est très-exaltée.


Abricot de Hollande. (Pl. 4.) Armeniaca fructu parvo, rotundo, nucleo dulci, amygdalinum simul & avellaneum saporem referenti. Duhamel. Ne pourroit-on pas dire que cet abricot dérive de celui d’angoumois & que c’est une variété due à la culture ?

Fleur. Les pétales, au nombre de cinq ou de six, ce qui varie souvent, s’épanouissent entiérement & forment la rose ; ils sont arrondis & légérement crenelés, se réunissent à leur base par des onglets assez larges, & dans cette partie laissent entr’eux un espace vuide & oblong.

Fruit, vient par bouquet, petit comme celui angoumois, & de forme sphérique ; la rainure bien prononcée, assez superficielle ; les lèvres quelquefois légérement inégales. La peau d’un beau rouge foncé du côté du soleil, & d’un beau jaune du côté de l’ombre : la chair est d’un jaune foncé : le noyau est oblong, pointu à son extrémité supérieure, tronqué & crenelé à l’inférieure ; les arêtes saillantes sur le côté.

Feuilles. Leur grandeur varie beaucoup : la longueur, dans les unes, égale la largeur, & dans les autres la longueur augmente d’un tiers. La nervure ou prolongement du pétiole est très-saillante, quelquefois rouge, quelquefois très-verte ; la circonférence est dentelée en manière de scie, & les dentelures petites & aiguës.

Bourgeons, gros, tiquetés de points gris, d’un rouge clair du côté du soleil, & verd du côté de l’ombre.

Bouton, alongé, pointu, & triple dans toute l’étendue du bourgeon.

Maturité, en même tems que l’abricot de Provence.

Qualité. Beaucoup d’amateurs le préferent à tous les abricots dont on a parlé. La chair en est fondante, l’eau d’un goût relevé & excellent. L’amande est douce ; elle a un goût d’aveline & un arrière-goût d’amande douce.

N. B. On doit à M. Duhamel une excellente observation sur la force de cet arbre. Lorsqu’il est greffé sur prunier cerisette, il devient moins grand que l’angoumois, & sur le prunier Saint-Julien, il est plus grand, & ses fruits en espalier excèdent en grosseur celle des plus forts abricots communs. Il faut ajouter, d’après M. le baron de Tschoudi, que lorsque cet arbre est élevé de noyau, on le distingue de tous les autres par ses racines qui ressemblent à des branches de corail.


Abricot-Alberge. Armeniaca, fructu parvo, compresso, è flavo, hinc non nihil rubescente indè virescente. Duhamel.

Fleur, de même largeur que celle d’angoumois : les pétales arrondis par leur sommet, creusés en cuilleron.

Fruit, petit, aplati, s’alongeant un peu au sommet. Sa peau d’un jaune foncé, brune du côté du soleil & d’un verd jaunâtre à l’ombre. Cette peau se couvre de taches rougeâtres, formant de petites proéminences. La rainure est à peine sensible. La chair est d’un jaune foncé & rougeâtre : le noyau grand & plat, presqu’aussi large que long ; son amande est grosse & amère.

Feuilles, petites, terminées en pointe, fort longues & repliées en dehors au sommet, larges & arrondies du côté du pétiole ; leur circonférence profondément dentelée & à double dentelure. Le pétiole est presque toujours garni d’une ou de deux appendices à sa base : il a un tiers de longueur de la feuille.

Bourgeons, menus, lisses, rouges de tous côtés, & plus rouges du côté du soleil.

Boutons, gros, pointus, très-saillans, isolés pour l’ordinaire.

Maturité, à la mi-Août.

Qualité. C’est un fruit fondant, d’un goût vineux, légérement amer, & cette amertume n’est point désagréable. Cet arbre se multiplie par noyau. Il réussit parfaitement dans les environs de Tours, où on ne le greffe point. Il n’aime que le plein vent.


Abricot de Portugal. (Voyez Pl. 4. p. 191) Armeniaca fructu parvo, rotundo, hinc flavo, indè rubescente. Duhamel.

Fleurs. Les pétales plus arrondis à leur sommet que ceux de l’abricot de Hollande, creusés en cuilleron, se recouvrant les uns sur les autres, de sorte que la fleur paroît très-ronde dans son contour ; les onglets grêles, laissant entr’eux un espace oblong & pointu ; le filet des étamines très-délié.

Fruit, de forme ronde, petit, la peau d’un jaune clair, peu colorée même du côté du soleil, couverte de taches rouges & brunes : la rainure bien caractérisée, cependant superficielle : la chair d’un jaune clair, un peu adhérente au noyau ; le noyau plus long que large, alongé à son sommet, tronqué à sa base & sillonné par des proéminences.

Feuilles, petites, alongées, terminées en pointe, finement & peu profondément dentelées, la nervure bien prononcée & quelquefois rouge. La longueur du pétiole varie beaucoup, elle est quelquefois d’un quart ou du tiers de la feuille.

Bourgeons, gros, rougeâtres, fort tiquetés de petits points gris.

Boutons, petits, pointus, & grouppés depuis trois jusqu’à six ou huit. Les fruits forment souvent des bouquets de cinq ou six autour de la branche.

Proportions. C’est le plus petit des abricotiers déjà décrits.

Maturité, au commencement d’Août dans le midi, & au milieu de ce mois au nord de la France.

Qualité. Excellent, chair fine, délicate, l’eau abondante & d’un goût relevé.


Abricot violet. Armeniaca, fructu parvo, compresso, hinc violaceo, indè è stavo rubescente, nucleo dulci. Duhamel. C’est une variété produite ou par l’abricot angoumois ou par l’abricot portugal. Ce qui le distingue est la couleur de sa peau d’un rouge violet du côté du soleil, & d’un vilain jaune rougeâtre du côté de l’ombre : sa chair est rougeâtre. En total, c’est un mauvais fruit qui ne mérite pas la peine de figurer dans un verger un peu soigné, & encore moins dans un jardin.


Abricot noir. M. Duhamel, dans son Traité des arbres fruitiers, parle de cette espèce cultivée à Trianon. Je ne la connois pas. Voici ce qu’il en dit : « Les bourgeons sont menus, longuets, verds du côté de l’ombre, violets de l’autre côté. Ses feuilles larges du côté de la queue, se terminent presque comme une feuille de prunier à l’autre extrémité, elles sont d’un verd plus foncé que celles d’aucun autre abricotier. Son fruit est par la peau d’un brun foncé approchant du noir : la chair est d’un rouge brun très-foncé. Le goût de ce petit fruit est très-agréable. »


Abricot-pêche, autrement dit de Nanci, ou de Wirtemberg ou de Nuremberg. (Voyez Pl. 4. p. 191) Armeniaca fructu maximo, compresso, hinc flavo, indè rubescente. Duhamel.

Avant de décrire ce fruit, il convient de placer ici son historique, & il seroit satisfaisant pour les amateurs de connoître celui des autres fruits. Il est constant que la province de Languedoc est le berceau d’où cet abricot a été tiré & multiplié en France. M. Duhamel l’appelle abricot de Nanci, sans doute parce que c’est dans les environs de cette ville qu’il l’a découvert pour la première fois. Il est cependant nécessaire de ne pas varier & changer la dénomination sous laquelle un fruit est connu, autrement la nomenclature du potager seroit aussi confuse que celle de la botanique. La ville de Pézenas jouit de la réputation d’avoir les meilleurs abricots-pêches & les meilleurs melons dont les côtes sont chargées de verrues. Comment ce fruit a-t-il été naturalisé en Languedoc ? est-ce par le transport, est-ce par la culture, ou bien est-ce un fruit hibride du pays ? Je pencherois beaucoup pour la dernière question, & croirois que l’abricot-pêche provient de l’union des étamines, (voyez ce mot) ou poussière fécondante de quelque pêcher, portée sur le pistil, (voyez ce mot) d’une fleur de l’abricot commun. Ce qu’il y a de certain, c’est que M. Charpentier, amateur & curieux de beaux fruits, passant par Pézenas, trouva excellent le fruit qu’on y désignoit sous le nom d’abricot-pêche, qu’il en transporta des greffes dans son jardin près de Paris, situé au village de Mousseaux, paroisse de Clichy. Il les communiqua aux curieux & aux pépiniéristes de Vitry, & de là cet abricot a été transporté dans les provinces du nord de la France. Il a l’avantage de venir de noyau, n’a pas besoin d’être greffé, & par conséquent il peut être prodigieusement multiplié. Bientôt ce sera l’abricot le plus commun des jardins, & il nous fera abandonner la culture des espèces inférieures en qualité. Cet arbre n’étoit sans doute pas commun ou bien connu à Paris il y a douze ou quinze ans, puisqu’il n’en est fait aucune mention dans la nouvelle édition du Dictionnaire Économique de Chomel, publiée en 1767, où il est parlé de toutes les espèces d’abricots, excepté de celle-ci.

Fleur, la plus large de toutes les fleurs des espèces d’abricots ; les pétales épais, bien nourris, légérement chantournés à leur sommet. Le calice a cinq grandes découpures & il est garni de folioles coriaces à sa base.

Fruit. C’est le plus gros des abricots, & aucun ne varie autant que lui pour sa forme & pour sa grosseur. La couleur de sa peau est d’un jaune fauve du côté de l’ombre & un peu rouge du côté du soleil. La rainure est seulement visible vers l’insertion du pétiole, elle devient imperceptible en s’approchant du sommet. La chair est jaune tirant sur le rouge ; le noyau moins uni que celui de l’abricot commun, & comme lui sillonné de trois arêtes vives. Il est plus gros, plus renflé, son extrémité supérieure est très-pointue, l’inférieure tronquée, marquée de plusieurs protubérances ; l’amande est amère.

Feuilles, très-grandes, larges, bien nourries, presqu’arrondies à leur base, s’alongeant & formant une longue pointe à leur sommet, presque toujours avec deux appendices à leur base : leur circonférence est garnie de dentelures vives & profondes. Le pétiole est à moitié aussi long que la feuille, & il est d’un beau rouge. Ces feuilles ressemblent beaucoup à celles de l’abricot-alberge.

Bourgeons, gros, forts, rouges du côté du soleil, tiquetés de points gris & verds de l’autre côté.

Boutons, gros, courts, très-larges par la base, rapprochés les uns des autres & rassemblés par grouppes.

Maturité, au commencement du mois d’Août dans les provinces méridionales, & au milieu de ce mois dans le nord du royaume.

Qualité. La chair fondante, ne devenant ni sèche ni pâteuse, lorsque le fruit reste sur l’arbre ; elle a beaucoup d’eau, est d’un goût relevé, très-agréable, très-parfumé. Il est particulier à cet abricot.

Il est inutile de parler de plusieurs autres variétés d’abricots, par exemple de celui d’Alexandrie, très-précoce, & qui exige trop de chaleur pour être cultivé au nord du royaume. On le reconnoîtra à ses bourgeons jaunâtres, marqués de petites protubérances grises. Sa feuille est petite & finement dentelée, les pétales de la fleur sont étroits, son fruit est excellent en Provence & en Languedoc. Les variétés de l’abricot, en général, sont infinies, & le cultivateur peut encore plus les multiplier en semant les noyaux. Ne seroit-il pas plus avantageux & plus agréable pour lui d’employer son tems à se procurer des espèces hibrides ? Par exemple, lorsque les fleurs de l’abricotier commun, ou d’angoumois, ou de tel autre, commenceront à épanouir, il coupera sur différens pêchers, albergiers ou brugnons, des branches fleuries, & les portera près des fleurs de l’abricotier sur lequel il veut opérer. Alors il fera adroitement, avec la pointe d’un morceau de bois, tomber la poussière fécondante des étamines sur le pistil ou partie femelle de la fleur de l’abricot qu’il veut féconder. Si la fleur de l’abricotier est trop épanouie, l’opération sera infructueuse, parce que la poussière fécondante a déjà été élancée sur la partie femelle, & par conséquent les ovaires sont fécondés, & il ne peut y avoir deux fécondations successives. Il faut donc saisir le moment de l’épanouissement de la fleur qui doit féconder & celui de la fleur qui doit être fécondée. Rien n’empêche de choisir, sur le même arbre, plusieurs fleurs pour cette opération ; mais pour éviter la confusion, & se ressouvenir dans la suite de ce que l’on a pratiqué, il faut avoir un registre sur lequel toutes les expériences seront inscrites, & qui indiquera la couleur du fil de soie dont on aura marqué la branche. La soie conserve mieux sa couleur que les fils de chanvre, de lin, &c. cependant n’employez jamais ni soie violette, ni verte, ni rose : ces couleurs passent trop vîte, exposées au grand air.

Lorsque le fruit aura acquis sa maturité sur l’arbre, détachez-le & conservez le noyau pour le replanter dans la saison, & sur le même registre indiquez le lieu de sa plantation & la contre-marque qui le désigne. L’arbre venu donnera son fruit, & vous jugerez alors du succès de votre expérience. Telle est la marche que j’ai vu suivre à un amateur de Hollande, soit pour les arbres fruitiers, soit pour les fleurs d’ornement. Il faut du tems, il est vrai, pour jouir ; mais quel plaisir, quelle satisfaction, lorsque la récompense couronne le travail ! Si l’expérience n’a pas réussi, on n’a rien perdu, puisque l’arbre sert tout comme un autre, & on est toujours à même de le greffer. Les principes sur lesquels l’hibridicité est fondée, seront détaillés plus au long au mot Hibride.

L’abricotier aime les pays chauds. Les abricots de Provence, de Languedoc, de Roussillon, n’ont pas le même parfum, ni le goût aussi exquis, que ceux de Damas, si vantés dans le Voyage de M. Pockocke, ni que ceux d’Alep & d’Aintab, décrits dans le Voyage de M. Otter. Si on tire une ligne transversale de Dijon à Angers, on trouvera que plus on approche du nord du royaume, plus l’abricot perd de sa qualité, & plus cette qualité augmente, en se rapprochant du midi. Il n’y a aucune comparaison à faire, soit pour le goût, soit pour l’odeur, entre les abricots des environs de Paris, & ceux de Lyon, de Bordeaux, de Montpellier, d’Aix, &c.

L’homme toujours impérieux, & prêt à commander, veut sans cesse soumettre la nature à ses volontés & à ses caprices : on diroit que tous ses soins tendent à la contrarier. L’arbre se venge, donne des fruits médiocres, & périt beaucoup plutôt que s’il avoit été livré à lui-même, parce que, dans cet état forcé & de servitude, il est sujet à un plus grand nombre de maladies. L’abricotier est une preuve de ce que j’avance ; ses fruits sont pâles, aqueux & fades en espalier ; succulens & bien colorés en plein vent. L’espalier tend toujours à reprendre ses droits : les branches gourmandes se multiplient, & leur végétation vive & rapide finit par épuiser les branches inférieures, si l’art du jardinier ne la retient en captivité. Que d’insectes couvrent & vivent sur l’espalier ! Que de feuilles cloquées ! Quelle quantité de gomme suinte de toutes parts, & dit à l’homme : Je suis ton ouvrage ! Si au contraire vous jetez un coup d’œil sur l’abricotier à plein vent, livré à lui-même, & non pas mutilé suivant l’usage des environs de Paris, les feuilles ne sont point cloquées, nul insecte sur l’arbre, &c. s’il y paroît de la gomme, c’est en petite quantité, & encore elle est presque toujours due à l’effet des gelées blanches du printems qui altèrent les jeunes pousses, & fait refluer l’abondance de la sève en dehors, où elle forme la gomme. Les Chinois, plus près de la nature, & plus sages que nous, ignorent l’art destructeur de charpenter, de mutiler les arbres, & ils les laissent suivre leur penchant naturel. Il falloit garnir un mur, symétriser des allées, faire prendre aux arbres une forme quelconque, enfin donner tout au coup d’œil : voilà l’origine de la taille. Cet excès a été porté si loin, que les ifs ont représenté des coqs, des cerfs, des rhinocéros, &c. Ce que je dis de la taille de l’abricotier, paroîtra extraordinaire aux jardiniers, aux amateurs ; la méthode établie a subjugué leurs idées. Je leur demande à mon tour : Quelle est celle de la nature ? La plus parfaite, sans contredit, que l’art ait découverte jusqu’à ce jour, est celle des laborieux & industrieux habitans de Montreuil ; mais dans tout le reste du royaume, les arbres sont charpentés & écrasés par la serpette du jardinier. Pour remplir le but de ce Dictionnaire, décrivons tout ce qui a rapport à l’abricotier.


CHAPITRE III.


Des Semis, des Greffes, des soins que l’Arbre exige dans la Pépinière, & pour le replanter.


I. Des Semis. Ils exigent trois choses : le choix de la semence, la nature du terrain, & la manière de le faire.

1o. Du choix des semences. Pour s’assurer de la bonté des noyaux, on les jette dans un vase plein d’eau. Tous ceux qui sont pleins, & dont l’amande n’est nullement viciée, se précipitent au fond, & les autres surnagent. Recueillez ces derniers, jetez-les, ils ne peuvent être d’aucun usage, & tous les autres réussiront, si aucune circonstance ne s’y oppose. Pratiquez cette opération quelques jours avant de les confier à la terre, & laissez-les, pendant trois ou quatre jours, tremper dans l’eau : elle pénétrera les pores du bois, & communiquera l’humidité à l’amande ; alors l’amande se gonflera, & sera plus près de sa germination.

Quoiqu’il soit dit que l’abricot vienne très-bien de noyau, cependant les pépiniéristes les vendent toujours greffés sur prunier. Ne pourroit-on pas dire que c’est 1o. parce qu’ils ont plus aisément des sujets de pruniers, que d’abricotiers, attendu que les vieux pruniers donnent beaucoup de rejets de leurs pieds, ce que ne font pas les abricotiers ; 2o. que c’est le préjugé où l’on a si long-tems été que les noyaux d’abricots ne lèvent pas, ou au moins lèvent très-rarement. Il est vrai que des noyaux d’abricots gardés au sec, comme des pois ou des féves, lèvent assez rarement ; & je crois qu’ils lèveroient, si on avoit la patience de les attendre une seconde année.

La seconde méthode pour les semis consiste à confier à la terre le noyau dans l’instant que le fruit a été mangé. Pour cet effet, on met au fond d’un pot une couche de terre, & par-dessus une couche de noyaux, ensuite une seconde couche de terre & une de noyaux, jusqu’à ce que le pot soit plein de ces couches successives. Cette stratification reste exposée aux injures de l’air jusqu’au printems suivant : alors on tire ces noyaux de leur pot, & on les sème. Par ce moyen, on peut semer en place, au printems de 1781, les noyaux rassemblés en 1780. (Voyez le mot Semis)

2o. De la nature du terrain. L’abricotier craint un sol argilleux, glaiseux, compacte & humide. S’il est trop chargé de fumier, ainsi que celui des pépiniéristes, il aura beaucoup à souffrir, lorsqu’on le replantera. Cet article sera traité plus au long au mot Pépinière. Choisissez donc un terrain bon & léger ; cela suffit.

3o. Manière de pratiquer les semis. Si vous n’employez pas celle indiquée au numéro 1o, en voici une qui accélère beaucoup la germination, & donne le tems à l’arbre de faire beaucoup de progrès dans la première année, ce qui est un point très-important. Mettez dans un vase peu profond une quantité de noyaux, aussitôt que vous les aurez retirés de l’eau, pour vous assurer de leur qualité ; couvrez-les de terre légère ; faites un second lit de noyaux & de terre, & ainsi de suite, jusqu’à ce que tout le vase soit plein. Le sable ou la terre doivent toujours être tenus légèrement humides : trop d’humidité feroit pourrir les noyaux, & avec trop de siccité ils ne germeroient pas. Placez ce vase dans un lieu chaud, de 12 à 15 degrés de chaleur du thermomètre de Réaumur. Vous pouvez commencer cette opération en Janvier, ou plutôt si le climat est tempéré, comme celui de la Basse-Provence & du Bas-Languedoc. Vers le 15 Février, vos noyaux seront en état d’être plantés ; leur germination aura commencé, & la radicule sera visible. Une grande attention qu’on doit avoir, c’est de ne pas blesser cette radicule, en tirant les noyaux du vase ou en les plantant. Il ne s’agit plus que de les garantir des gelées tardives par le moyen de la paille ou des feuilles, lorsque le vent du nord donne lieu de les appréhender. Dans les pays septentrionaux, on commencera l’opération à la mi-Février, & on plantera au commencement de Mars, ou plus tard, suivant le climat. Les noyaux doivent être enfoncés à la profondeur de deux pouces ; le trou doit être recouvert avec une terre fine & meuble que l’on ne foulera point ; & à mesure qu’elle s’affaissera, on y en ajoutera de nouvelle, afin que ce trou ne forme pas une espèce de réservoir où l’eau se ramasseroit, & feroit périr la jeune plante.

On connoît trois genres de semis. Dans le premier, les noyaux sont seulement espacés de six pouces les uns des autres, & alors on lève les jeunes plants à la fin de l’année pour les planter en pépinière : si au contraire on veut faire tout de suite sa pépinière, j’insiste à dire qu’il faut planter à trois pieds de distance, & en tout sens. Cette méthode n’est pas celle des pépiniéristes, j’en conviens ; elle exige trop de terrain pour eux ; mais en suivant celle que je prescris, les arbres travailleront plus vigoureusement, les racines ayant plus de place pour s’étendre ; & lorsqu’il s’agira de tirer l’arbre de terre, on ne trouvera pas les racines entrelacées, & on ne sera pas dans la dure nécessité de mutiler celles de l’arbre que l’on veut avoir, & celles des arbres voisins. J’en appelle à l’expérience.

Si vous avez placé vos noyaux à six pouces les uns des autres, ayez attention, lorsqu’il faudra les replanter, d’ouvrir la terre par tranchée, d’enlever les rangs les uns après les autres, & de ne jamais permettre au jardinier d’arracher l’arbre avec force, ni qu’il coupe, sous aucun prétexte, la racine pivotante de la jeune plante. En un mot, elle ne doit perdre ni racines, ni chevelu. Lorsque nous parlerons des racines & des pivots des plantes, nous démontrerons l’importance de leur conservation.

Il est inutile d’insister sur la nécessité de défoncer la terre qui doit servir aux semis, au moins à un pied de profondeur pour les premiers, & à deux pieds pour les seconds. Le grand avantage du premier genre des semis, est la facilité qu’ils donnent de choisir les plants pour garnir la pépinière, & par conséquent pour qu’il n’y ait point de place vuide.

Le troisième genre des semis consiste à planter le noyau dans l’endroit où l’arbre restera à demeure : Il aura l’avantage de n’être point réplanté ni mutilé par la main du jardinier ; mais on aime à jouir promptement, & par conséquent on préfère tirer l’arbre tout formé de la pépinière. Les arbres plantés de noyau, qui ont poussé sur le lieu même, & qui y ont été greffés, durent beaucoup plus long-tems que les autres.

II. Des Greffes. La manière pour les abricotiers en pépinière est à l’écusson, ou œil dormant, ou bien en couronne. La manière de greffer sera détaillée très au long au mot Greffe : en parler ici, ce seroit une répétition. La seule chose à bien retenir, est de ne jamais greffer l’abricotier, que le sujet n’ait au pied un bon pouce de diamètre. Comme la végétation de l’abricotier est très-prompte, très-rapide, si on greffe sur un pied qui n’ait pas encore acquis la grosseur convenable, alors la pousse de la greffe formera un bourrelet monstrueux, qui enveloppera & recouvrira le tronc où la greffe aura été appliquée ; ce pied sera toujours mesquin, maigre, & beaucoup moins gros que le tronc supérieur : lorsque l’arbre aura étendu ses branches, un seul coup de vent suffit pour le faire casser au pied. Un tel arbre est toujours défectueux ; &, dans aucun cas, il ne doit être accepté ni planté. Alors on le renvoie au pépiniériste, ou bien on ne le paie pas. Voilà ce que produit la trop grande précipitation de greffer. Peu importe au pépiniériste, pourvu qu’il ait vendu & livré son arbre à un bourgeois qui le paie bien, & qui ne connoît rien dans cette partie.

III. Des soins que l’abricotier exige dans la pépinière, & de la manière de le replanter. Sarcler souvent, c’est-à-dire, arracher les mauvaises herbes, arroser suivant le besoin, piocheter la surface de la terre de tems en tems, visiter souvent les jeunes pousses, afin de détruire les insectes qui seroient dans le cas de les attaquer & de leur nuire, sont les soins généraux. Si, à la fin de l’année, la pousse a pris de la force, coupez-la à un pouce de terre, le tronc & les racines se fortifieront ; le tronc grossira, & les racines s’alongeront beaucoup plus que si vous les aviez laissés livrés à eux-mêmes. Si, au printems de la seconde année, plusieurs branches s’élancent du tronc, pincez-les, & vous aurez à l’automne une pousse forte & vigoureuse. Au commencement de la troisième année, & dans la saison propre, greffez en écusson ou en couronne. C’est la grosseur du tronc qui doit décider l’espèce de greffe à employer. Alors choisissez pour greffe l’espèce d’abricot, de prune ou de pêche que vous desirez. Dans tout état de cause, la greffe doit être placée à six pouces au-dessus de terre. C’est pour se conformer aux idées reçues, que l’on répète ici ce précepte si recommandé par les jardiniers & par les auteurs qui ont traité des arbres fruitiers. Je prie de suspendre tout jugement, jusqu’à ce qu’on ait lu les articles Espèce & Greffe. Ils présenteront quelques idées nouvelles, confirmées par l’expérience, & qui sont de la plus grande importance. Revenons à notre sujet.

Il est certain qu’ayant donné au tronc le tems de se fortifier, & le terrain étant bien travaillé, le jet qui s’élancera de greffe, montera à cinq ou six pieds, & l’arbre sera tout formé.

Pour perfectionner la qualité des fruits, quelques amateurs se sont amusés à greffer plusieurs années de suite le même arbre, & ils s’en sont bien trouvés. La greffe raffine, perfectionne la sève, les sucs qui montent sont plus épurés. En suivant cette méthode, on peut greffer plusieurs fois sur le tronc, en le coupant à chaque opération, ou sur les branches qu’il aura poussées. D’autres amateurs greffent plusieurs espèces d’abricots sur un même sujet. La bigarrure des fruits surprend, elle est même agréable à l’œil ; mais rarement ces arbres durent long-tems dans cet état. L’espèce d’abricot dont la végétation est plus rapide que celle de l’abricot son voisin, & par conséquent qui pousse des bois plus forts, absorbe peu à peu la sève des branches voisines, & celles-ci dépérissent. Toutes ces bigarrures sont contre nature.

Il est démontré que la réussite d’un arbre dépend en grande partie de la manière dont on l’a enlevé de la pépinière, & dont il a été replanté. Dans toutes les pépinières marchandes, les arbres sont trop près, & leurs racines tellement entrelacées, qu’il est impossible d’en tirer un arbre sans nuire à ses voisins. Le pépiniériste, pour éviter cet inconvénient, tombe dans un autre aussi dangereux. Il cerne la terre à un pied de distance du tronc, & avec le fer tranchant de sa bêche, il mâche & coupe les racines ; peu lui importe qu’elles soient grosses ou petites. Ce n’est pas tout : l’arbre tient par son pivot, il faut expédier le travail, & le pivot est coupé à coups de bêche. Voilà donc un arbre dans le plus mauvais état possible. Le jardinier croit y remédier en raccourcissant ces racines, en les charpentant de nouveau pour les rafraîchir. Et l’on est étonné, après cela, que les arbres reprennent difficilement, qu’ils languissent, qu’ils meurent ! Je suis bien plus étonné qu’il n’en périsse pas un plus grand nombre, & j’admire la force de la nature, qui répare & surmonte la masse de nos sottises.

Lorsque vous ferez enlever un abricotier de la pépinière, laissez dire les garçons pépiniéristes, exigez qu’ils ne coupent aucune racine ; que l’arbre soit tiré de terre avec tout son pivot ; & si votre arbre ne demeure pas long-tems en chemin, pour être transporté de la pépinière dans votre jardin, ne permettez à votre jardinier, sous quelque prétexte que ce soit, de rafraîchir les racines. Les seules racines meurtries, ou endommagées, exigent la serpette. Si, au contraire, l’arbre reste long-tems en route, faites tremper la racine dans l’eau pendant vingt-quatre heures ; détachez, en coupant net, seulement la partie desséchée, & plantez l’arbre tout de suite.

Cette manière d’enlever les arbres nécessite à plus de largeur & plus de profondeur aux trous qui doivent les recevoir. Il ne s’agit plus ici de faire creuser à la toise & à prix fait ; mais quelles doivent donc être leurs proportions ? La longueur & l’étendue des racines, & surtout du pivot, en décident. L’un & les autres doivent occuper le même espace, & être disposés comme ils l’étoient auparavant, afin que l’arbre ne s’apperçoive pas, pour ainsi dire, qu’il ait changé de place. Que de Lecteurs traiteront cette méthode d’exagération, de soins minutieux, d’augmentation dans la main-d’œuvre, & peut-être d’inutilité ! Je me contente de leur répondre : Faites l’expérience, & vous vous convaincrez par vous-mêmes. Essayez pour un arbre seulement, mis en comparaison avec un arbre dont le pivot & les racines auront été mutilés ; vous prononcerez alors avec connoissance de cause, parce que vous verrez que cet arbre profitera plus en trois ans, que l’autre dans l’espace de dix.

Si vous êtes amateur de la supérieure qualité du fruit, ne plantez jamais que des abricotiers à plein vent, & surtout ne les mutilez pas sous prétexte de les tailler. Laissez agir la nature, elle en fait plus que vous ; l’arbre formera de lui-même une belle tête ; il n’aura ni branche chiffonne, ni bois gourmand, & la feuille ne sera pas dans le cas de demander au jardinier la permission de passer au-delà de la feuille sa voisine, Les branches n’auront pas besoin d’être étayées, même dans les années de la plus grande abondance, parce que tout sera d’accord dans l’arbre, & la force des branches proportionnée à la quantité du fruit qu’elles doivent soutenir.

L’espace à donner pour les arbres à plein vent, est au moins de vingt-cinq pieds, si le terrain est bon ; les arbres nains ou à mi-tige, à vingt-quatre pieds, si le terrain est excellent ; à dix-huit, s’il est bon ; à neuf ou à douze, suivant sa médiocrité. C’est le plus grand de tous les abus, de planter à cinq ou six pieds de distance. On n’a jamais que des arbres chétifs & qui périssent promptement. Laissez toujours un pied de distance entre le mur & l’arbre que vous planterez ; cette précaution est aussi utile que nécessaire. La meilleure saison pour replanter est aussitôt après la chute des feuilles.

L’exposition la plus favorable pour l’espalier dans les provinces du nord, est le midi plein. Plus le fruit sera échauffé par les rayons du soleil, plus il se rapprochera des abricots de Provence & de Languedoc. Cependant, pour multiplier la durée de ce fruit, & ne pas l’avoir tout en même tems, on peut varier ses expositions suivant les différentes heures du soleil.

Lorsqu’on a commencé à contrarier la nature, en forçant l’abricotier à suivre les loix de l’espalier, il faut continuer jusqu’au bout. Si vous voulez donc avoir de gros fruits & bien colorés, détachez de l’arbre la plus grande quantité des jeunes abricots, lorsqu’ils auront acquis cinq ou six lignes de diamètre ; & quelque tems avant la maturité du fruit, coupez les feuilles qui le recouvrent.

La conduite de l’abricotier planté en espalier, est analogue à celle du pêcher ; tout, jusqu’à leur taille, est commun. Ainsi voyez le mot Pêcher, & surtout le mot Taille, ses loix & ses règles y seront décrites dans la plus grande étendue. Sans ces renvois, il faudroit répéter pour chaque arbre ce qui auroit déjà été dit plusieurs fois. (Voyez encore le mot Gomme)

L’abricotier a un grand avantage sur le pêcher, ses bourgeons percent facilement l’écorce. Ainsi un arbre mal taillé, vieux ou négligé, peut aisément recevoir une forme & une vie nouvelle, si le jardinier est entendu.

Abricot verd, ou Dauphine. (Voyez l’article des Pêches)

Abricotée. (Voyez à la liste des Pêches, & à celle des Prunes.)


  1. Si vous desirez vous instruire plus que le commun des cultivateurs, & voir en grand le magnifique tableau de la nature, il faut avoir une idée des systêmes botaniques. On n’a pas encore découvert l’enchaînement complet, & tous les rapports que les plantes ont entr’elles. Cependant, à force de travail & d’observations, on reconnoît aujourd’hui plusieurs familles naturelles de plantes, mais on est bien éloigné de pouvoir toutes les classer. Le créateur de l’univers est le seul qui ait la clef de son systême. Consultez le mot Botanique.