que le terrein est convenable, les chinois ne manquent point de former des cascades dans leurs jardins. Ils y évitent toute sorte de régularités, imitant les opérations de la nature dans ces pays montagneux. Les eaux jaillirent des cavernes, des sinuosités, des rochers. Ici paroît une grande & impétueuse cataracte ; là c’est une multitude de petites chûtes. Quelquefois la vue de la cascade est interceptée par des arbres dont les feuilles & les branches ne permettent que par intervalle de voir les eaux qui tombent le long des côtés de la montagne ; d’autres fois au-dessus de la partie la plus rapide de la cascade, sont jetés, d’un roc à l’autre, des ponts de bois grossièrement faits, & souvent le courant des eaux est interrompu par des arbres & des monceaux de pierre, que la violence du torrent semble y avoir transportés. »
» Dans les bosquets, les chinois varient toujours les formes & les couleurs des arbres, joignant ceux dont les branches sont grandes & touffues, avec ceux qui s’élèvent en pyramide, & les verds foncés avec les verds gais. Ils y entremêlent des arbres qui portent des fleurs, parmi lesquels il y en a plusieurs qui fleurissent pendant la plus grande partie de l’année. Entre leurs arbres favoris est une espèce de saule[1] : on le trouve toujours parmi ceux qui bordent les rivières & les lacs, & ils sont plantés de manière que leurs branches pendent sur l’eau. Les chinois introduisent aussi des troncs d’arbres, tantôt debout, tantôt couchés sur la terre, & ils poussent fort loin la délicatesse sur leurs formes, sur la couleur de leur écorce, & même sur leur mousse. »
» Rien de plus varié que les moyens employés pour exciter la surprise : ils vous conduisent quelquefois au travers de cavernes & d’allées sombres, au sortir desquelles vous vous trouvez subitement frappé de la vue d’un paysage délicieux, enrichi de ce que la nature peut fournir de plus beau : d’autres fois on vous mène par des avenues & par des allées qui diminuent & qui deviennent raboteuses peu à peu ; le passage est enfin tout à fait interrompu. Des buissons, des ronces, des pierres le rendent impraticable, lorsque tout-d’un-coup s’ouvre à vos yeux une perspective riante & étendue, qui vous plaît d’autant plus que vous vous y étiez moins attendu.
» Un autre artifice de ces peuples, c’est de cacher une partie de la composition par le moyen d’arbres & d’autres objets intermédiaires. Ceci excite la curiosité du spectateur ; il veut voir de près, & se trouve, en approchant, agréablement surpris par quelque scène inattendue, ou par quelque représentation totalement opposée à ce qu’il cherchoit. La terminaison des lacs est toujours cachée, pour laisser à l’imagination de quoi s’exercer : la même règle s’observe, autant qu’il est possible, dans toutes les autres compositions chinoises.
» Quoique ces peuples ne soient pas fort habiles en optique, l’expé-