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semis, celui à demeure, & celui destiné à la transplantation.

I. Semis à demeure. Il faut environ soixante ans, pour qu’un noyer soit dans sa grande force : il est rare que celui qui le sème voie sa plus grande élévation ; mais un père de famille vit dans ses enfans, & sa plus douce satisfaction est de travailler pour eux. Du semis à demeure, il résulte que la noix enfonce profondément son pivot en terre ; que la pousse de la tige gagne plus de dix ans en avance, sur la noix semée en même temps dans la pépinière, & dont l’arbre a été ensuite replanté ; le tronc s’élève beaucoup plus haut, plus droit, & on est le maître de l’arrêter à la hauteur qu’on désire, soit en retranchant son sommet, soit en élaguant les branches inférieures. Tout le monde sait à quel bon prix on vend un beau tronc de noyer, soit pour la menuiserie, soit pour la construction des fortes machines, &c. Cet arbre mérite donc, à tous égards, qu’on s’occupe sérieusement de sa culture. L’hiver de 1709 en fit périr la majeure partie en France & en Europe, & les Hollandois, qui ont toujours les yeux ouverts sur leurs intérêts, firent une spéculation ; ils achetèrent presque tous ces arbres, & les revendirent ensuite très-chèrement, pendant un grand nombre d’années. Au moyen du semis à demeure, il est possible de couvrir de verdure les masses & les chaînes de rochers, pourvu qu’ils présentent des scissures ; la racine ou pivot du noyer va profondément chercher sa nourriture, & comme son travail & ses efforts sont continuels, on a vu de telles racines séparer des blocs, des couches de rochers d’une prodigieuse grosseur. Il n’est pas à craindre que les ouragans les plus furieux enlèvent ces arbres à pivots, comme ceux qui ont été replantés ; ils les rompront & les briseront plutôt. Je doute qu’il existe aucun arbre dont le pivot s’enfonce plus profondément, dès qu’il ne trouve pas une résistance invincible ; alors, il donne très-peu de chevelus & de racines latérales. L’expérience a prouvé que le volume des branches est toujours en raison de celui des racines ; il n’est donc pas surprenant qu’un pivot aussi prodigieux fasse un effort incroyable, lorsqu’il se trouve gêné entre deux blocs, ou entre deux couches, & qu’à la longue il les sépare.

Il y a deux époques pour les semis, l’une, aussitôt que la noix, est mûre, & l’autre après l’hiver : cette opération sera décrite ci-après.

II. Du semis en pépinière. L’arbre qui en provient, est moins actif dans sa végétation, ainsi qu’il a été dit, que celui du semis à demeure. Plus il sera replanté souvent, plutôt il donnera du fruit, & du plus beau fruit, parce qu’il travaillera moins en bois ; alors ses racines latérales se multiplieront, & il n’aura plus le canal direct de la sève du tronc à la mère racine, c’est-à-dire au pivot : ainsi, ce que l’on perdra d’un côté, on le gagnera de l’autre. Cependant si on doit peupler des coteaux arides, des rochers, &c. le semis à demeure mérite, à tous égards, la préférence sur une replantation, ou trois au plus suffisent lorsqu’on veut se procurer de belles noix.

III. Du choix des semences. On ne greffe point les noyers : cette assertion est vraie, en général, malgré