Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/264

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vos poules. Voulez-vous des poulets ? ayez des poules qui pondent & d’autres qui couvent ; mais voulez vous en même-temps & d’une même poule, avoir des poulets & des œufs ? vous n’aurez ni œufs ni poulets. De même voulez-vous de belles pousses ? fumez, taillez, labourez vos arbres. Voulez-vous beaucoup d’huile ? ralentissez la séve de vos oliviers. Voulez-vous chaque année du fruit & de nouvelles pousses ? taillez, fumez la moitié de vos olivettes, & semez l’autre. « Je fus docile, & une expérience constante m’a appris que ce paysan moniteur avoit raison. »

La taille pratiquée dans le Roussillon, vrai pays des hespérides relativement au reste de la France, & où les oliviers sont très-nombreux, cette taille, dis-je, justifieroit presque la taille annuelle par l’amputation des mères branches à leur insertion au tronc. En admettant quatre mères-branches, & en en supprimant une cette année, dans le printemps & pendant l’été il sortira des bords de la plaie une prodigieuse quantité de bourgeons droits, lisses, forts & vigoureux sur un seul côté de l’arbre ; à la seconde année ces bourgeons deviendront branches, & ces branches produiront des rameaux qui, à la troisième année donneront du fruit. Si la taille est méthodique, c’est-à-dire si l’on croit agir d’après des principes, il faut donc chaque année couper quelques mères branches, afin d’avoir par succession des rameaux à fruit ; ainsi une partie de l’arbre sera taillée annuellement : mais si par exemple on laisse pendant quatre ou cinq années subsister les autres mères-branches, il est clair, naturellement parlant, qu’il y aura moins de rameaux à fruit, qu’ils seront plus courts & plus maigres ; 1°. parce qu’ils partent d’un bois déjà trop vieux ; 2°. parce que les bourgeons & leurs pousses nouvelles attirent trop à eux la séve qui auroit dû se partager. Plus le canal est direct, & plus la séve monte ; plus elle trouve de ces canaux directs, & moins les rameaux voisins en profitent. Ils sont à l’olivier ce que les gourmands sont aux autres arbres fruitiers. D’ailleurs, par la méthode suivie dans le Roussillon, il ne se trouve plus d’équilibre entre toutes les branches de l’arbre, &c. Mais que pensera l’homme exempt de préjugés, si on lui dit, & si l’expérience confirme que, malgré l’extrême défectuosité de cette taille, la récolte en huile est toujours très-abondante dans cette province, à moins que les vicissitudes des saisons ne s’y opposent. Ces récoltes prouvent ce que j’ai déjà avancé, que l’olivier est si productif, & sa végétation si animée, lorsqu’il éprouve le degré de chaleur qui lui convient en hiver comme en été, qu’il brave les vaines opinions des hommes, & qu’il est par-tout au-dessus de l’impéritie des émondeurs. M. Pagès, seigneur de plusieurs Terres dans le Roussillon, avoit fait venir de Provence & de Languedoc des émondeurs pour ses oliviers, afin de substituer leurs méthodes à celles du pays. Les habitans les forcèrent de sortir, & les gens sensés leur conseillèrent de se retirer. L’empire du préjugé est si puissant qu’il nous aveugle jusque sur nos propres intérêts. Nous entrerons dans de plus grands détails en parlant de la manière de tailler.

Les partisans de la taille bienne me paroissent avoir un grand avantage sur ceux qui pratiquent l’annuelle, la trienne, &c. Si cette taille est bien con-