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CHAPITRE X.

De la récolte des olives.


Je suis déjà entré dans plusieurs détails importans sur ce sujet en traitant l’article huile d’olive, page 533, Tome V ; cependant il est essentiel d’y ajouter de nouvelles observations. Presque par-tout on gaule les olives comme les noix. Si le fruit n’est pas bien mûr, il tombe difficilement, & certaines espèces sont beaucoup plus tenaces que les autres. Pourquoi ne gaule-t-on pas aussi les cerises, les prunes & les autres fruits ? C’est qu’en tombant la peau seroit meurtrie, le fruit se gâteroit promptement, & dans cet état il seroit rejeté au marché, ou du moins très-peu vendu. Ce qui arrive aux fruits arrive également aux olives, aux amandes. La peau du fruit une fois endommagée, la pulpe moisit, rancit & pourrit. La peau est la conservatrice de la partie pulpeuse du fruit, comme notre peau est la conservatrice de notre chair, comme l’écorce l’est du bois, &c. Il est donc important de ne point meurtrir l’olive. D’après ce principe comment concevoir que des coups de gaule redoublés ne meurtrissent & ne déchirent pas d’abord la texture du fruit ? & comment ce fruit, par une chute accélérée & rapide peut-il venir frapper contre terre sans être endommagé ? On me dira, sans doute, que les toiles étendues sous les arbres amortissent le coup. Le fait est vrai pour les olives qui tombent sur ces toiles ; mais lorsque la violence des coups les porte au-delà, il ne se trouve plus de corps intermédiaires & mous.

Admettons, même contre l’évidence, que ces meurtrissures ne préjudicient pas à la qualité & à la quantité de l’huile, lorsque l’on porte les olives au moulin le jour suivant ; mais si, suivant la coutume presque généralement adoptée, on les accumule, on les laisse s’échauffer, fermenter, la putréfaction & la rancidité seront bien plutôt établies dans un monceau dont les fruits sont altérés que dans celui qui renferme des fruits sains.

Supposons encore qu’il soit inutile de songer à la conservation du fruit, il n’en est pas de même de celle des feuilles & des rameaux. Chaque feuille, à sa base, protège, échauffe, conserve, alaite un bouton qui, dans la suite, sera à bois ou à fruit, & l’enfance de ce bouton se prolonge près de deux ans. Or, en gaulant les feuilles, en les meurtrissant, en massacrant ces mères nourricières, on détruit d’un seul coup & le bouton à bois & celui à fruit dont l’accroissement & la vie tiennent à la conservation de la feuille. Lorsque celle-ci leur deviendra inutile, laissez agir la nature, peu à peu elle desséchera la sinovie qui nourrissoit l’articulation de la feuille, & conservoit l’emboîtement de son court pétiole sur le rameau ou sur la branche. Le temps venu, sa mission remplie, elle tombera d’elle-même ; tout secours étranger lui est funeste.

On est tout étonné de voir, à la fin de l’hiver, une grande quantité de rameaux & même des branches un peu fortes, desséchées sur la tête d’un olivier qui paroît très-sain : que l’on prenne la peine d’examiner la place où commence la dessiccation, & on trouvera à coup sûr qu’elle