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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/321

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d’où il arrive que plusieurs yeux dit bas s’ouvrent & font éclore des bourgeons. On les ravale ensuite sur un d’eux, & même sur le dernier : celui-ci s’alonge & a encore le temps de s’aoûter, & l’année suivante on taille dessus. Le second moyen est de supprimer ce bois frêle quand le gourmand est en état de suppléer, ce qui est du ressort de la taille.

» Faire une tête aux orangers n’est pas l’ouvrage d’une seule taille ni d’un seul ébourgeonnement. Il faut durant plusieurs années les redresser & les corriger, leur donnant l’essor du côté où ils poussent trop, & les tenant courts du côté foible, puis rabattant lors de la pousse la partie trop forte, & serrant fort près du haut pour leur procurer une figure ronde & régulière également par-tout. De même leur beauté consiste à être un peu haut montés, & à avoir une taille élégante, ce qu’ils acquièrent lorsque d’année en année on élague tantôt une branche & tantôt une autre ou plusieurs. J’ai vu des jardiniers qui, pour avoir plutôt fait, élaguaient tout à la fois leurs arbres dont ils faisoient par la tige, ce que l’on appelle, des manches à balai. »


CHAPITRE V.

De la conduite de l’oranger en pleine terre.


Cette culture en France doit tout à l’art, ou tout à la nature. Le premier triomphe dans les espaliers placés derrière de bons abris & par le secours de vitreaux, de tuyaux de chaleur, &c. ; & le second est l’effet de la situation : tels sont quelques cantons privilégiés de la basse Provence & du Roussillon. C’est un luxe assez déplacé que de vouloir braver la rigueur des hivers en multipliant les soins & les dépenses. Il ne faut qu’une seule nuit, qu’un seul jour ou qu’une seule inadvertance de la part du jardinier pour perdre le fruit d’un travail de longues années. On se fait honneur de la difficulté vaincue, lorsque l’entreprise réussit ; mais que cette gloriole est froide & passagère ! Combien peu elle dédommage de l’assujettissement journalier qu’elle exige !

La culture artificielle de l’oranger en pleine terre se réduit à deux points : à avoir des espaliers ou bien des orangers à hautes tiges. Les premiers sont plus aisés à conduire, puisqu’ils sont déjà bien abrités d’un côté par des murs ; il ne s’agit plus que de leur donner un toit & un mur factice sur le devant : tels sont les espaliers du château de la Chaise dont on a déjà parlé. À mesure que le froid augmente, on remplit l’espace avec des feuilles, & on redouble le feu dans les conduits de chaleur qui règnent d’un bout à l’autre. Dans les endroits où le froid est de cinq à six degrés au plus, ces conduits deviennent inutiles, pour peu que la toiture & les murs de face soient assez bien calfeutrés pour qu’il ne s’établisse aucun courant d’air. Les toits en bois sont préférables à ceux en paille, les eaux pluviales les pénètrent moins. Cependant, si la paille est arrangée avec autant de soin que l’est le chaume sur les maisons dans quelques provinces du Royaume, elle fournit alors la toiture la meilleure & contre le froid & contre les pluies. Les murs de face ne doivent être formés que par des planches dont la jointure est recouverte par une petite bande en bois.