Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’arbre ; mais si le pivot a été conservé ainsi que les racines & leurs chevelus, il est très-inutile de retrancher la tête de l’arbre, & ce retranchement est plus inutile encore si l’orme a été planté en novembre, parce que la terre a eu le tems de s’unir aux racines, & de faire corps avec elles pendant l’hiver.

Plus on approche des pays méridionaux, & plus il est essentiel de planter de bonne heure. Les sécheresses du printemps & de l’été s’opposent à la reprise des arbres mis en terre après l’hiver.

IV. De l’utilité de l’ormeau. Si on considère cet arbre comme un objet d’agrément, il tient un rang très-distingué dans les avenues, dans les bordures des grands chemins, dans les massifs, & il supplée la charmille dans les lieux où elle ne prospère pas. L’orme réussit très-bien depuis le nord du royaume jusqu’aux bords de la méditerrannée : après l’ypreau ou peuplier blanc il est un des plus grands arbres des provinces du midi. L’immortel Sully ordonna d’en planter à la porte de toutes les églises paroissiales séparées des habitations. Il existe encore plusieurs de ces arbres qui attestent la vigilance de ce Ministre, & par reconnoissance on leur a conservé le nom de Rosni. Il n’est pas rare d’en trouver dont le tronc a quinze ou dix-huit pieds de circonférence, & qui sont de la plus grande hauteur.

L’utilité dont cet arbre est pour les provinces méridionales, m’oblige à revenir sur la manière dont il y est traité. Autrefois, toutes les balmes ou terrains dont la pente est trop rapide, ainsi que les bords des rivières, étoient couverts d’ormeaux, & leurs racines s’opposoient aux dégrademens des terres. Un intérêt mal entendu en a fait abattre un grand nombre, & la dent meurtrière des troupeaux détruit encore tous les jours les tiges nouvelles qui s’élèvent des racines. L’olivier a pris leur place, & le sol achève de sa dégrader : il n’existe donc presque plus d’ormeaux que sur le bord des rivières, ou dans les lieux sujets au courant des inondations ; en un mot, la consommation journalière dans chaque canton excède de beaucoup le bois que cet arbre peut fournir. Il n’est donc pas surprenant que le cultivateur fatigué par les impôts ou par l’entretien d’une nombreuse famille, ne voye que le moment présent, & lui sacrifie des ressources qu’il faut attendre. La coignée est mise au pied de l’arbre avant qu’il ait acquis sa perfection, l’argent est dissipé, & la bourse & le champ sont appauvris… Le peu de fourrage & l’économie du moment obligent à dépouiller ces arbres tous les trois ans de leurs branches, de manière qu’on ne laisse qu’un petit bouquet au sommet de l’arbre. Ces branches coupées au mois d’août & rassemblées en fagots que l’on conserve ensuite sous des hangars quand, leurs feuilles sont sèches, servent à la nourriture des troupeaux, pendant l’hiver, & le bois, à brûler. Il résulte de cette taille qui ne devroit avoir lieu que tous les quatre à cinq ans au plus, que la tige de l’arbre file sans prendre de corps, qu’elle se jette tantôt d’un côté tantôt de l’autre suivant que la séve y est attirée ; enfin, qu’on n’a jamais une belle pièce de bois. Les chicots que l’on laisse en taillant, afin qu’ils donnent de nouvelles