Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/351

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branches, forment des bourrelets contre le tronc ; souvent plusieurs chicots ne repoussent pas, ils pourrissent, & le chancre gagne insensiblement l’intérieur du tronc depuis son sommet jusqu’aux racines. Enfin ces arbres ainsi dépouillés présentent à l’œil un bien triste spectacle.

Ne vaudroit-il pas infiniment mieux mettre ou tenir en taillis les bordures des rivières, les balmes, &c. ? il en résulteroit de grands avantages à mon avis. L’eau d’un torrent qui se porte avec impétuosité contre un corps solide, contre un tronc d’arbre, établit de chaque côté un courant plus rapide qui décharne, fouille & déracine tout ce qu’il trouve sur son passage ; de-là les excavations sans nombre. Le taillis, au contraire, présente moins d’obstacle, les courants sont plus divisés, & ses branches intérieures sont autant de conducteurs qui font glisser l’eau & ne lui permettent pas de creuser. Il y a plus ; on voit toujours que derrière ces masses de tiges, il s’en formé un dépôt & que le sol s’est accru : le taillis contribue donc à l’exhaussement du sol, & à empêcher les affouillemens ; il est donc dans ce cas préférable à tous égards au grand arbre. Personne n’ignore combien un grand arbre abattu donne prise à l’eau sur le terrain qu’occupoient ses racines, & par le courant qu’il augmente, s’il tombe du côté du rivage.

Il reste a examiner si le cultivateur tirera un plus grand nombre de fagots d’un taillis que d’un nombre déterminé de grands arbres, en admettant que toutes les circonstances soient égales. Quoique ce soit à l’expérience à prononcer, & que le raisonnement prouve peu, je ne crains pas d’avancer que la coupe d’un taillis de cinq ans fournira le double plus de fagots que celle des branches des arbres.

Il en sera de même pour la pousse de trois ans ; opération mal entendue qui fatigue l’arbre, & qui est peu productive. La coupe du taillis de cinq ans fournit, outre les fagots, de bonnes perches si utiles dans une ménagerie, ou du moins beaucoup plus de bois à brûler ; objet essentiel pour un pays où il est si rare. La terre du bois taillis se bonifie, & se rehausse chaque année, soit par les débris des animaux, soit par celui des feuilles qui se convertissent en terreau ; aussi voit-on que cette couche change bientôt de couleur & devient noire. L’arbre, au contraire, reste perché dans sa balme où il ressemble à un échalas, & les inondations entraînent le peu de terre végétale qui s’étoit formée tout autour. Personne ne disconviendra encore que les taillis placés sur les terrains en pente rapide, ne retiennent beaucoup mieux les terres que les grands arbres, & qu’ils ne préparent une masse de terre végétale qui enrichira successivement les champs placés au-dessous. Il me paroît que, de quelque manière que soit envisagée la question, l’avantage est pour les taillis. En outre, de quelle ressource ne seront-ils par dans les cantons où la vigne est soutenue par des échalas toujours si chers & si coûteux : ils dureront le double & le triple de ceux qui sont faits de saule ou de noisetier.

La manie d’élaguer les ormes, & de ne leur laisser qu’un petit bouquet de branches au sommet, a gagné jusque dans les environs de Paris. En effet, on voit à une très-