Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/416

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Tous deux considérés, quant au fond & à la forme, ont également pour objet l’utilité &, l’avantage de l’arbre. Le dernier se propose de plus de former un coup-d’œil régulier. Tous deux tendent à donner à l’arbre plus d’étendue, à faire naître l’abondance, à accélérer la maturité du fruit, & à lui procurer un coloris charmant, une saveur douce & un parfum exquis. »

» De la façon dont jusqu’ici on a traité les arbres en espalier, qui ne parviennent jamais à garnir les murailles, il n’est pas aisé de concevoir que le palissage contribue à leur donner plus d’étendue. On croiroit que ce se soit plutôt l’office de la taille ; rien cependant n’est plus vrai. Par la taille & par l’ébourgeonnement, on ôte aux arbres d’espalier toutes les branches tant de devant que de derrière. Parmi celles qu’on laisse pour être dressées en éventail, il y en a au moins la moitié qu’on supprime aux différens ébourgeonnemens. Cette suppression peut être estimée la troisième partie de leurs membres. Joignez encore à ces prodigieux retranchemens celui de l’extrémité de leurs rameaux, il est impossible qu’ils s’alongent ; je dis plus, ils périront en peu de temps, & la stérilité d’ailleurs en sera le partage. Si donc au lieu de tant les décharger, & de leur faire pousser tant de bourgeois en pure perte, on laissoit à leurs rameaux plus d’étendue & plus de longueur, ils prendroient l’essort, & ils donneroient le centuple de ce qu’ils donnent ordinairement ; il se fortifieroient, & leur durée seroit plus longue. Puisque nous leur ôtons, par nécessité, les rameaux de devant & de derrière, qui sont la moitié d’eux-mêmes, il faut, pour les dédommager, les laisser pousser sur les côtés, & étendre, suivant la force des arbres, les branches des extrémités & de face, ainsi que celles qui poussent entre deux. Pourquoi les beaux espaliers sont-ils si rares ? c’est parce que tous les jardiniers déchargent leurs arbres à tort & à travers, & les tiennent de court le plus qu’ils peuvent. Ils soutiennent, en faisant usage de leur raison, que les arbres sont stériles ou qu’ils poussent, lorsqu’on ôte à la séve son jeu, ses récipiens, & ses parties organiques. »

» Une des règles fondamentales du palissage est d’alonger toutes les branches des extrémités, tant celles des côtés que celles de face. On va objecter que cette méthode va éteindre les yeux du bas, & que les arbres n’auront plus de verdure qu’au bout de leurs branches. À cela je réponds qu’autant qu’un habile jardinier est prodigue, quant à l’allongement des bourgeons à la pousse, autant est-il réservé à la taille, excepté à l’égard des branches de côté, & occupé de rapprocher & de concentrer. L’ignorant au contraire alonge à la taille les branches à fruit, & tient de court toutes les autres. Alors les premières n’ont pas de quoi fournir, & les autres poussent avec véhémence. Rien n’est plus propre à rendre l’arbre plein, que de laisser à la sève ses vases & ses récipiens pour s’y porter, en observant d’alonger, par préférence, les branches qui ont dans le bas deux yeux francs. S’il arrivoit qu’ils fussent éteints, comme cela a lieu pour le pêcher qui ne repousse point communément, il y a un moyen de le faire revivre, savoir de greffer à la pousse sur ces branches. »